Atelier N°6 – Colloque 2012

28 avril, matin.

Hiérarchiser les moyens : les médicaments essentiels

Modérateurs : Michel Thomas , Michel Doré

Introduction de Michel Thomas

Les dépenses de médicaments sont très importantes en France, en partie par le prix, encore plus par le nombre de médicaments prescrits ou auto-prescrits.

Le nombre des médicaments disponibles est considérable, plus de 5000. Beaucoup sont des formes diverses de la même molécule, beaucoup ne sont que des « me too » des molécules initiales d’une classe thérapeutique.

Peu de vraies nouveautés au cours des 10 dernières années. La fixation du prix des médicaments remboursés n’est pas corrélée au service médical rendu.

A partir de ces constations se pose le problème de savoir si l’établissement d’une liste de médicaments essentiels :

  • est faisable

  • peut constituer un moyen de réduire les surtraitements, le nombre d’accidents thérapeutiques et le surcoût des médicaments.

Un groupe de 10 hospitaliers et hospitalo-universitaires internistes d’une part et plus d’une dizaine de généralistes d’autre part ont établi une telle liste.

Parmi les problèmes posés :

  • Quelles similitudes et différences entre les listes des internistes et des généralistes ?
  • Quelle y est la proportion de médicaments génériquable ?
  • Comment une telle liste pourrait-elle être promue et devenir efficace ?

Michel Thomas a rappelé comment avait mûri, au sein du groupe Princeps l’idée de concevoir une liste actuelle des Médicaments essentiels, et , constatant la faillite des institutions dans ce domaine (malgré une liste établie par l’AFSSAPS en 2008, restée totalement confidentielle), d’en confier la réalisation à l’expérience de médecins internistes et généralistes.

Travail débuté en décembre 2010 par 10 internistes hospitaliers (dont 8 Universitaires) au sein de la Société Française de la discipline, et des généralistes du département de Médecine Générale de la Faculté de Bobigny.

Michel Doré a ensuite montré les difficultés parfois rencontrées par les généralistes pour établir une telle liste, mais aussi l’influence qu’un tel travail a eu sur la pratique de ceux qui l’avaient réalisée.

Michel Thomas a présenté la façon dont les internistes, entre décembre 2010 et février 2012, étaient parvenus à un consensus sur une première liste de 100 médicaments essentiels.

Sur les 100 molécules (sur un total de 333 différentes citées initialement) seules 7 avaient initialement été retenues par les 10.

  • 44 figuraient déjà dans le livre de « Maurice Rapin : Les 200 médicaments essentiels » en 1983.

  •  70 parmi les 360 médicaments essentiels de la liste l’OMS de 2011

  •  71 étaient sur la liste confidentielle de 381 médicaments de l’AFSSAPS de 2008. 59 étaient génériqués en 2011. Cette première liste de 100 médicaments sera mise en débat au sein de la Société Française de Médecine Interne dès juin 2012 afin d’aboutir à une liste définitive, après comparaison avec les listes établies par les généralistes, et qui devrait comporter 150 à 200 molécules.

 

Dominique Bedoin

La prise en charge des affections transitoires bénignes en médecine générale :

avec ou sans médicaments

Le Dr Dominque Bedoin s’est intéressée en préambule à l’attitude des médecins généralistes face à la prescription médicamenteuse. A partir d’une enquête auprès de 11 médecins, il a distingué deux attitudes, deux logiques : une logique de réparation ou chaque médecin, à partir de sa pharmacopée personnelle, répond à deux désirs inconscients : celui de réparer la santé « en faisant quelque chose », « on est toujours tenu de donner »; et celui d‘avoir un pouvoir sur la maladie, y compris en utilisant des placebos. Une logique de restriction où le médicament est jugé inutile, inefficace, dangereux face à une telle plainte du patient, où l’usage de « placebo-impurs » (c’est-à-dire non totalement dénué d’activité) est vécu comme « malhonnête ». L’importance du médecin est soulignée : « soigner c’est donner ».

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affections transitoires bénignes

Résumé du diaporama de Dominique Bedoin : cliquer sur le lien

Maîlys Michot-Casbas

Sur prise en charge ou mauvaise prise en charge ?
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Quelle est la place des médicaments de confort parmi les médicaments essentiels. Face à une plainte de « jambe lourde », à la difficulté des malades mais aussi des médecins à faire la part entre jambes lourdes, varices, insuffisance veineuse, à l’inexistence de moyens objectifs d’apprécier l’importance des symptômes, la notion de handicap apparaît comme nécessaire à prendre en compte. Le déremboursement des veinotoniques n’empêche pas les patients d’aller mieux quand ils les prennent et plus mal quand ils les arrêtent… La seule réponse reconnue par les instances (et prise en charge financièrement) dans le domaine est la chirurgie des varices, incapable de régler la grande majorité des situations.

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veines Michot Casbas

 Mme Michot-Casbas estime qu’il faut prendre en compte l’importance numérique de populations souffrant d’un symptôme handicapant et persistant. Ou se situe la limite de ces médicaments de confort ? les médecines douces ? L’homéopathie, peuvent-elles y émerger ? Ce n’est pas l’avis général. Le nombre croissant de médicaments vendus hors prescription médicale doit être pris en compte si l’on discute la place qui pourrait être réservée à des médicaments de confort dans une liste d’Essentiels.


 

Michel Thomas, Philippe Arlet, Olivier Aumaître, Julie Cosserat, Bernard Grosbois, Loïc Guillevin, Adrien Kettaneh, Claire Le Jeunne, Christian Massot, Philippe Morlat.

Les médicaments essentiels : la démarche des internistes : cliquer sur le lien

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Medicaments essentiels

Yassine Hilal

Les médicaments essentiels : la liste de Bobigny

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Médicaments essentiels Hilal Yassine

Résumé de l’intervention de Yassine Hilal

La liste des médicaments essentiels est un concept qui date des années 1970. La première fois ou l’OMS a parlé des « médicaments essentiels », c’est en 1970. Ensuite la première liste de l’OMS a été diffusée en 1977. L’OMS encourage à établir des listes nationales en fonction de contraintes locales , en fonctions de leurs besoins. La dernière liste de médicaments essentiels de l’OMS

En France, par exemple, on a très peu de maladies parasitaires. Mais par contre, nous avons des affections cardiovasculaires. Ce sont des spécialités de nos pays industrialisés.

En 2010, dans un éditorial publié dans le BMJ (British Médical Journal) , il était écrit : « c’est un concept pour les pays pauvres, mais de nos jours, c’est une leçon pour les pays riches » , ou il y a tellement d’abondance et dans la conjoncture actuelle et dans la situation économique que nous vivons , il faudrait revenir à l’essentiel , c’est-à-dire aux médicaments essentiels.

Sur les 17 généralistes sollicités seulement 7 généralistes ont participé. 7 molécules ont fait l’unanimité parmi les 7 généralistes et qui leurs semblaient essentielles à l’exercice de la médecine générale.

  • 2 antibiotiques

  • 2 antalgiques anti-inflammatoires

  • 1 AINS

  • 1 corticoîde

  • 1 anti diabétique oral

Ces listes ont été classées par DCI. On considérait que c’était des médicaments essentiels si au moins 4/7 généralistes les citaient et combinaient 61 molécules. A l’opposé, 155 molécules n’étaient citées que par un seul généraliste . 1 médicament sur 2 était retrouvé dans la liste de Maurice Rapin de 1987 , 67% figurent dans la liste de l’OMS, 83% dans celle de l’AFSSAPS (à l’origine , la liste de l’AFSSAPS n’a pas pris en compte le caractère générique des médicaments).

Sur ces 61 molécules,87% ont une SMR (Service Médical Rendu) reconnu important et remboursés à 65%. 85% se retrouvent sous forme génériquées. Ces données doivent être (et seront) comparées avec la liste des internistes et avec celles en cours de recueil de généralistes de province.

Il y a un plétore de médicaments dont un grand nombre sont inutiles et coûteux. Il faut une politique nationale du « médicament ».

Suite au scandale du « Médiator », le rapport de l’IGAS a conclut : « il n’y a pas de politique des médicaments en France » qui pourrait éviter une surconsommation induite par les Laboratoires pharmaceutiques.

Une liste des médicaments essentiels serait une des voies pour un usage rationnel des médicaments.

Compte rendu des intervenants de l’atelier N°6 : cliquer sur le lien

Conclusion de Michel Thomas :

Une telles liste , elle est faisable. Elle doit être discutée ! Elle ne peut pas s’imposer comme ça ! Elle doit être discutée au sein des hospitaliers et en particulier les internistes, parce qu’ils n’ont pas une hyper spécialisation qui les bloquent dans une vision très parcellaire et très déformée de la Médecine et de la santé publique parfois et puis des généralistes.

Cette liste comportera plus de 100 médicaments. Des médicaments essentiels à la survie du malade. On avait voulu cette contrainte, parce que ça force à se creuser les méninges sur les choix. Sans doute autour de 50, sans doute pas plus de 200 médicaments qui avait constitué la limite comme l’avait suggéré Maurice RAPIN.

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Si on allait au delà, l’efficacité d’une telle sélection diminuerait considérablement. On pourrait dire : il y a 10 000 médicaments essentiels. Fastoche !  On les prends tous ! Évidemment, il y a des gens qui poussent à ça !

Et pour ceux qui l’ont établie, comme pour les généralistes, et bien, ça été une plongée passionnante dans un des aspects les plus essentiels de notre métier de Médecin qui est la thérapeutique, la prescription et l’utilisation des médicaments. Ça nous a forcé à réfléchir sur des problèmes de santé publique.

Les 9 médicaments qui ont l’unanimité des internistes :

  • association d’amoxicilline et acide clavunalique

  • Le fluconazole

  • L’aspirine

  • Le paracétamol

  • Le furozémide

  • Le prednisone

  • L’insuline rapide

  • Le lopéramide

  • La vitamine D3

Michel Thomas se demande quels sont les médicaments qui sont capable de répondre à 95% des pathologies en France ?

Discussion avec les intervenants en plénière

Quelqu’un rappelle qu’aux USA, les assurances privées ne remboursent que les médicaments qui sont sur leurs listes.

En France, c’est l’Industrie Pharmaceutique qui a le pouvoir. Il faut que l’Industrie Pharmaceutique soit sous contrôle et qu’elle soit régulée.

Un Directeur Médical d’un groupe de coordinateurs en EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) sur le territoire national signale que 70% des médecins coordinateurs sont des médecins qui ont un cabinet privé en ville.

Il rappelle deux réglementations : Décret de mai 2005, qui fait apparaître dans les missions du médecin coordinateur, l’établissement d’une liste de médicaments. Et que d’autre part, le 2 septembre 2011, est sorti un nouveau décret étoffé de la mission du médecin coordinateur avec une liste de médicaments imposés.

Le 30 décembre 2010, les médecins généralistes ont été surpris de voir arriver une convention avec une liste de médicaments qui n’a pas pris en compte le choix des médecins. Tout le monde a réagit, convention = carcan . « Vous devez prescrire dans une liste ».

L’obligation, pour les médecins généralistes, à prescrire dans une liste imposée a été mal ressentie et perçue comme une intrusion dans leurs choix de prescriptions. Chaque médecin coordinateur avait sa propre liste mais cela n’a pas marché. Certains les considéraient comme iatrogènes. D’après eux, il fallait agir plutôt sur les volumes médicamenteux que de prescrire dans une liste qui marche avec des EHPAD qui ont une Pharmacie à Usage Intérieur (PUI).

Le Docteur Yassine Hilal, précise qu’il y a des contraintes à la prescription des médicaments dans les EHPAD. Il faut écraser les médicaments ce qui peut modifier les paramètres pharmacocinétiques ; il faut gérer les surdosages responsables d’iatrogénie. C’est la raison, pour laquelle il est nécessaire d’avoir une liste de médicaments essentiels. C’est une des méthodes pour un bon usage des thérapeutiques.

Une hospitalisation sur 4 des personnes âgées de plus de 80 ans est due à une iatrogénie médicamenteuse.

Le Docteur Michel Thomas, signale que dans les hôpitaux, il existe une liste officielle de médicaments agrées à l’AP-HP mais qu’elle est sélectionnée de manière arbitraire. De quelques personnes de l’administration hospitalière avec la pression des vendeurs de médicaments.

Un intervenant souligne, la place des placébos impurs qui permet de déplacer la relation, le temps de la consultation et de mieux s’intéresser à la part psycho-sociale du patient. Il rappelle que le médecin a un rôle social.

 

 

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