Approche théorique :
Comment se construit la médicalisation, ses excès, ses carences.
Modérateurs : Jean-Claude Salomon et Omar Brixi
Jean-Claude Salomon
Introduction
Dans tous les pays développés on constate deux phénomènes en apparence antinomiques : la surmédicalisation et la sous médicalisation.
La sous médicalisation contemporaine n’est pas une étape dans le développement de la société, mais un recul récent, qui est associé à la paupérisation des certaines catégories sociales.
La surmédicalisation, quels qu’en soient les déterminants, prive la société des moyens nécessaires pour agir de façon volontariste contre la sous médicalisation.
Nous proposons :
- D’accumuler les preuves de la surmédicalisation,
- D’en faire une analyse logique et systémique, d’en dresser la typologie,
D’étudier la part respective jouée par :
- Le complexe médico-industriel,
- La structure de la protection sociale et le rôle respectif des assurances obligatoires et complémentaires,
- Le rôle des « bons apôtres » : mutuelles, associations caritatives genre LNCC,
- L’organisation du système de santé,
- Les paradigmes de la science médicale dans l’intelligibilité des limites entre le Normal et le Pathologique.
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Quelques pistes : cliquer sur les titres pour ouvrir les liens
- European Federation of Internal Medecin
- American Board of Internal Medecine
- US National Physicians Alliance
- American Medical Student Association
- Choosing wisely
- Health Action Internationnal
- Pharmaware
Eric Galam
Surmédicalisation, croyances et transmission
Les valeurs, représentations et croyances de chaque soignant viennent s’articuler avec celles de la société dans laquelle il évolue. Ces représentations sont multiples et souvent contradictoires. Ainsi les « anti-surmédicalisants » peuvent-ils se confronter, concurrencer ou ignorer les « médico-croyants« , les « psychosociaux adhérents » ou encore les « techno-convaincus« ….
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Dans tous les cas, la pratique médicale implique également le façonnage des jeunes générations appelées à reprendre le flambeau avec plus ou moins de continuité et de rupture.
Ce façonnage culturel et normatif, s’appuie sur des normes sociales et universitaires explicites mais aussi sur une acculturation plus insidieuse, d’autant plus efficace qu’elle est implicite (hidden curriculum) imposant les critères de ce qu’est une « bonne » médecine, un « bon » médecin, et par voie de conséquence un « bon » malade (Balint).
Le respect de la hiérarchie, l’hypertravail, le pouvoir et le devoir médical, l’interdit d’expression des émotions (évacuations du sujet patient et surtout médecin) ou imperfections (erreur médicale, burnout), la prééminence du savoir sur le vécu, des individus sur les systèmes, génèrent un certain nombre de postulats que nous éclairerons ensemble.
Florence Amrouche
La progression de la pauvreté et ses effets sur la santé
Le constat est aujourd’hui unanime.La pauvreté augmente en France et elle tend à s’installer. Près du quart de la population vit sous le seuil de la pauvreté. La situation d’instabilité sociale fragilise la personne. Si ces situations perdurent, s’accumulent, elles peuvent affecter d’autres domaines de l’existence et en particulier la santé.
Souvent mal logés ou sans abri, exposés au froid, ils renoncent à se faire soigner. La précarité associée au Handicap ont des répercussions gravissimes sur la santé de ces personnes.
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« Les difficultés quotidiennes croissantes d’un nombre important de ménages qui vivent dans une situation d’instabilité sociale et sont fragilisés par les mutations socio-économiques au niveau planétaire ».
« La précarité ne caractérise pas une catégorie sociale particulière mais est le résultat d’une accumulation d’évènements, d’expériences qui aboutissent à des situations de fragilisation, économique, sociale et familiale« .
La perte d’un emploi qui peut conduire la personne en grande pauvreté quand elle affecte plusieurs domaines de l’existence, quelle devient persistante.
Les personnes les plus touchés par ces processus de précarisation sont d’abord ceux qui vivent dans des situations de grande vulnérabilité sociale. « les bas revenus, les emplois précaires, les mères célibataires à faibles revenus, les jeunes non qualifiés, les enfants déscolarisés, les chômeurs de longue durée en fin de droit ».
Si la précarité de leur emploi se cumul avec d’autres handicaps, ils risquent fort de glisser progressivement vers la grande pauvreté et l’exclusion.
« La santé est le résultat d’un processus cumulatif. Sa construction débute dès la gestation et se poursuit progressivement au cours de l’enfance et de l’adolescence ».
Si durant cette période de la vie, ces jeunes bénéficient de conditions favorables à son développement, meilleur sera l’état de santé à l’âge adulte.
La précarisation massive de l’emploi, la dégradation des conditions de vie, en particulier dans les zones péri-urbaines , les dispositifs de protections sociales inadaptés aux situations et aux évolutions , créent un environnement quotidien peu favorable à l’épanouissement de la santé des individus et entraîne des comportements à risques et des conduites de consommation qui sont autant de facteurs péjoratifs pour le maintien d’un bon état de santé.
Le chômage, la précarité, la pauvreté provoquent des sentiments individuels comme la mauvaise image de soi , la dévalorisation, le sentiment d’inutilité, voir même de honte, qui sont à l’origine d’une souffrance psychique aujourd’hui largement répandue.
Or, on sait de mieux en mieux que la souffrance psychique peut-être, en soi, associé au déclenchement de maladies organiques graves, comme les maladies cardiovasculaires, les cancers .
Deux déterminants : conditions de vie professionnelles dégradées et les difficultés rencontrées durant l’enfance (Maltraitance) multiplie de 1,4 l’incidence des cancers sur une échelle de 1à 6 (réunion sciences-po – les inégalités sociales de santé- février 2012)
Les progrès dans l’état de santé sont dus essentiellement à l’amélioration des conditions de vie et à des changements de comportements individuels et / ou collectifs.
Ce sont les inégalités sociales qui aggravent l’état de santé, qui provoquent une réelle dégradation de la santé dans les couches sociales les plus défavorisées et au-delà, la population toute entière.
La santé exige un certain nombre de conditions et de ressources préalables qui sont :
- La personne doit pouvoir se loger décemment
- Se nourrir convenablement
- Accéder à l’éducation
- Disposer d’un certain revenu
- Bénéficier de protection sociale suffisante
- Bénéficier d’un environnement stable et sécurisant
L’OMS met en avant les conditions nécessaires à une cohésion sociale (Charte d’Ottawa 1986) , ainsi que le préambule de la constitution française .
« tout être humain qui , en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler , a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».
Hors les chiffres à la disposition du public parlent d’eux-mêmes
« 8,6 millions de Français vivent avec moins de 964 euros par mois. Le taux de pauvreté en France en 2010 a atteint 14,1% de la population, son plus haut niveau depuis 1997 ».
8,6 millions de personnes vivaient ainsi en 2010 en dessous du seuil de pauvreté monétaire (964 € / mois). La moitié d’entre elles vivant avec moins de 781€ / mois. Le niveau de vie médian ( la moitié de la population est au-dessus, l’autre en dessous) en France métropolitaine atteignant 1.610 € par mois en 2010. » (Observatoire des inégalités – données INSEE)
3,6 millions le nombre de personnes mal logées. En 2012, la Fondation Abbé Pierre évalue à plus de 3,6 millions le nombre de personnes mal logées ou sans abri.
« Un français sur cinq renonce à se soigner. 20% des Français ont renoncé au cours des deux dernières années à des soins, ou les ont retardé, selon une enquête du Centre d’Etudes et de Connaissances sur l’Opinion Publique (CECOP) et l’institut CSA. Expliquant pourquoi ils ont renoncé « par manque d’argent », 41% parce que le remboursement aurait été insuffisant ». 57% ont répondu « par manque d’argent ».
Selon Médecins du Monde, l’accès aux soins pour les plus pauvres s’est dégradé en 2011 et leur santé s’est détériorée. Ils se font soigner trop tardivement ou renonce à des soins, faute de ne pas avoir de couverture sociale.
Les personnes en situations de Handicap mental ou physique, vivent avec 776,59€ par mois depuis le 1er septembre 2012. Soit 9119,76€ par an pour une personne seule. Et elles ne peuvent même pas bénéficier de la CMU-CMUC car les plafonds de ressources sont supérieurs. En effet, pour bénéficier de la CMU-CMUC (complémentaire), il ne faut pas dépasser 7934,40€ par an pour une personne seule au 1er juillet 2012. Ce qui exclut toutes les personnes ayant l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) , les invalides 2ème et 3ème catégories, les personnes âgées ayant les minimum vieillesse (ASPA). C’est-à-dire toutes les personnes qui nécessitent le plus de soins. Pour avoir une bonne complémentaire, ses personnes doivent payer des Mutuelles de plus en plus onéreuses. Dans certaines situations, ces personnes peuvent bénéficier d’une Aide à la Complémentaire Santé (ACS) mais qui ne prendra en charge qu’une partie des dépenses de la Mutuelle. Ces aides sont insuffisantes.
Une autre aberration du système. Si une personne handicapée est hospitalisée, séjourne dans un établissement de santé ou pénitentiaire, après une période de 60 jours, elle ne percevra que 30% du montant de l’AAH (Allocation Adulte Handicapé), soit 232,98€ par mois et les autres prestations seront suspendues également. (ameli- service public- le guide Neret)
Ces faibles ressources ne suffisent plus pour payer le loyer et nous oblige à résilier le bail de location.
Le Handicap, la pauvreté, les conditions de vie difficiles font que ces personnes sont particulièrement vulnérables avec une espérance de vie réduite.
On parle beaucoup des fraudes aux « prestations sociales ». Mais, on n’imagine pas à quel point ces personnes ne sont pas en capacité d’avoir recours aux prestations auxquelles elles pourraient avoir droit. Cela représente des sommes bien plus importantes. Le non-recours aux prestations sociales est courant chez les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, vulnérables face à la complexité croissante des dossiers administratifs à remplir, des documents à fournir et des conditions de renouvèlement de plus en plus contraignantes. Cela contribue à appauvrir encore plus ces personnes fragilisées. Le taux de non-recours au RSA activité est évalué à 68%. Alors que dans les discours politiques, on représente ses bénéficiaires de prestations sociales comme des fraudeurs potentiels ou des assistés ne faisant pas d’effort pour sortir de la précarité. (vie-publique.fr)
Marc Jamoulle
La prévention quaternaire
Depuis le milieu du 20ème siècle, on a organisé la prévention clinique sur un mode chronologique. Le glissement paradigmatique d’une prévention chronologiquement pensée et basée sur la maladie vers une prévention basée sur la relation et centrée sur le patient ouvre de nouvelles perspectives sur le travail des médecins et spécifiquement sur le champ préventif. Le concept de prévention quaternaire apparaît, apportant un regard critique sur l’agir médical et le renouvellement de l’antique mot d’ordre, d’abord ne pas nuire.
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Le concept de prévention quaternaire est né sur le modèle du tableau à double entrée au décours d’un enseignement de statistiques en 1985… Ce tableau très didactique permet d’enseigner très précisément les trois premières formes de prévention et en suscite une quatrième qui s’exprime en ces termes :
Action menée pour identifier un patient ou une population à risque de surmédicalisation, le protéger d’interventions médicales invasives, et lui proposer des procédures de soins éthiquement et médicalement acceptables (exemple : EBM)
On montrera dans l’exposé la génèse du concept et sa diffusion internationale. Vu du point de vu individuel, le concept repose avec acuité les éléments fondateurs de la relation médecin malade et permet une approche de « diagnostics » ésotériques comme « non disease disease« , « médically unexplained symptoms » ou « Abnormal illness béhaviour« . Du point de vue collectif, le concept permet de discuter des phénomènes d’analyse récente comme désinformation, surdiagnostic, surdépistage, surtraitement ou leur contraire.
Michelle Le Barzic
Obésité : surmédicalisation ou médicalisation abusive ?
Les politiques publiques menées sous l’égide de l’OMS pour lutter contre l’obésité depuis plus d’un demi-siècle sont en échec. Les fondements scientifiques (définition, classification, méthodologie et interprétation des données) sur lesquels elles s’appuient doivent être reconsidérés à la lumière des données récentes. La grille de lecture appliquée au corps et à l’obésité repose sur un contresens épistémologique potentiellement responsable de l’impact iatrogène des mesures de lutte contre l’obésité.
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Obésité : surmédicalisation ou médicalisation abusive ?
Comment les obèses sont devenus des malades
Plus de trois décennies d’exercice comme psychologue clinicienne auprès des obèses, dans le service de Nutrition de l’Hôtel-Dieu de Paris, ont fait opérer une révolution à 180° à mon point de vue sur l’obésité. Ce changement de perspective m’amène aujourd’hui à considérer les modalités mêmes de sa médicalisation comme l’un des facteurs explicatifs de l’échec généralisé des politiques publiques menées contre l’obésité.
Les obèses ont toujours existé. Honorés par leur société en période de vaches maigres, méprisés et rejetés lorsque les greniers regorgent de grains, ils composaient la minorité des plus gros à côté de celle des plus grands, des plus forts, etc. Aujourd’hui plus nombreux, ils sont devenus des malades, les trop gros dont il faut réduire le poids. Consécutive à leur multiplication dans la population, leur médicalisation systématique à débuté aux Etats-Unis en 1960, lorsqu’une compagnie d’assurances a révélé une association statistique entre l’augmentation du poids et celle de la morbi-mortalité cardio-vasculaire. Cette révélation a modifié le regard porté sur les plus gros et progressivement converti le poids de l’obèse en une maladie en soi. Les études et les revues spécialisées sur le sujet se sont multipliées, des approches spécifiques se sont individualisées et spécialisées au sein de la corporation médicale. L’indice de corpulence de Quetelet, Body Mass Index (BMI=P[kg]/T2[m])[1] fut adopté par la communauté médicale internationale pour uniformiser les critères pondéraux utilisés dans les recherches. En 1997, l’obésité est incluse dans la classification officielle des maladies de l’OMS, laquelle publie un tableau qui répartit les corpulences en 5 classes, de la maigreur à l’obésité extrême. Les limites de la catégorie « normale » (18,5 à 24,9kg/m2) y sont définies comme les zones de poids qui sont associées aux risques statistiques de morbi-mortalité les plus faibles.
Ces définitions et critères font désormais autorité dans la communauté médicale internationale. Ils constituent les référents théoriques incontournables sur lesquels se fondent toutes les études scientifiques et campagnes de santé publique. Les plus connues en France sont le Plan National Nutrition Santé (PNNS) ou Ensemble Prévenons l’Obésité des Enfants (EPODE) qui cherchent à modifier les comportements des français pour limiter leur poids, ainsi que l’enquête épidémiologique ObÉpi qui évalue la prévalence du surpoids et de l’obésité chez les français de plus de 18 ans, tous les 3 ans depuis 1997.
Un fléau mondial
Alors que l’on observe un aplatissement de la pente d’augmentation des prévalences dans certains pays développés, l’obésité se développe rapidement dans les pays émergents longtemps épargnés. En 2003, l’OMS qualifie de « mondiale » « l’épidémie d’obésité »; ce faisant, elle admet implicitement l’échec des politiques publiques menées contre l’obésité depuis plus d’un demi siècle sans pour autant en interroger la pertinence. La société toute entière, des chefs d’états aux plus humbles des obèses, persiste encore dans la lecture simpliste – héritée des pionniers de la lutte contre l’obésité – qui consiste à penser qu’il suffit de réduire les calories absorbées pour réduire les kilos. Les préjugés érigés en vérités scientifiques sont abondamment relayés par les médias qui entretiennent l’opinion publique dans la conviction que « chacun peut (et doit) peser ce que prône l’OMS. Il suffit de manger bien pour peser bien. C’est donc parce qu’ils n’ont pas la volonté de se nourrir « comme il faut » que les obèses sont obèses ».
Moyennant quoi chaque mangeur se sent autorisé à mettre son grain de sel de compétence alimentaire dans l’assiette des plus gros. La multiplication des experts entraîne la multiplication des régimes miracles qui déclinent les nutriments avec ou sans dans tous les sens, jusqu’à l’oxymorique régime sans régime, dernier arrivé dans la lignée du miroir aux alouettes de la minceur idéale. La population est bombardée d’injonctions nutritionnelles manichéennes, aussi péremptoires que contradictoires entre elles dans le temps comme dans les principes. Génératrice de dissonance cognitive, cette cacophonie diététique plonge les mangeurs dans le désarroi. Désorientés et découragés, ils risquent de s’abandonner passivement aux incitations du marketing agroalimentaire, ou de s’en remettre aux « coachs en nutrition » dépourvus de la moindre qualification officielle qui déferlent sur le marché prometteur des mirages du contrôle pondéral.
Une définition contestable
Alors que je constatais dans ma pratique l’échec récurrent des régimes chez tous les patients, quelle que soit leur personnalité, j’ai découvert les travaux de Paul Herman et Janet Polivy qui démontrent les effets paradoxaux et contreproductifs des régimes restrictifs par l’intermédiaire de la restriction cognitive. La seule décision d’entreprendre un régime pour perdre du poids peut désorganiser le comportement alimentaire et conduire à une prise de poids.
La comparaison des patients qui consultaient en 1990 avec ceux qui les avaient précédés 20 ans auparavant me révélait que le phénomène obésité s’aggravait au fur et à mesure que la médecine de l’obésité s’organisait. Ce constat m’incitait à une analyse critique et systémique des fondements théoriques de la médicalisation de l’obésité. Il m’est alors apparu que la définition même de l’obésité – sur laquelle repose la classification de l’OMS – était problématique puisqu’elle identifie la pathologie sur des critères purement anthropométriques :« tout individu en bonne santé dont l’IMC atteint le seuil fatidique [30kg/m2] est décrété officiellement malade en vertu des risques statistiques de complications somatiques associés à sa corpulence, même si un risque de 30% implique 70% de sujets épargnés par le risque. »[2] Moyennant quoi, des individus sont incités à maigrir par des arguments médicaux même s’ils ne présentent aucun des risques somatiques théoriques.
En désignant ainsi des bien-portants comme malades au seul constat de leur BMI, on risque de les rendre à la fois plus gros et vraiment malades. Prônée par les plus hautes autorités de médecine, la soumission aveugle aux normes pondérales de l’OMS en matière de médecine de l’obésité est dangereuse. C’est elle qui a conduit tant de médecins normalement honnêtes et compétents à prescrire du médiator ou la pilule de 3ème génération, ou à proposer des régimes hypocaloriques à des sujets âgés diabétiques de poids « normal », ou encore à des boulimiques, etc.
Des experts qui ignorent tout ce qu’ils ignorent
« Manger moins pour peser moins » paraît logique et simple. C’est efficace à court terme, mais cela s’avère inefficace et, surtout, iatrogène à long terme. Ce modèle comptable simpliste, qui réduit la nourriture humaine à sa seule dimension nutritive et qui méconnait la complexité des soubassements psychologiques de l’alimentation et du corps humains, a été appliqué par les pionniers de la lutte contre l’obésité parce que, issus du corps médical, ils ignoraient tout de la complexité des phénomènes auxquels leur formation ne les avait pas préparés.
De plus en plus de voix s’élèvent aujourd’hui pour dénoncer l’ampleur des biais méthodologiques qui affectent la pléthorique littérature soi-disant scientifique qui prône l’amaigrissement à coup de dangereuses restrictions alimentaires. Les auteurs de la Brussels Déclaration[3], qui contestent les stratégies prohibitionnistes en matière de santé publique, effectuent une revue critique de la littérature sur l’obésité. Ils dénoncent une épidémiologie qui repose sur des estimations nébuleuses au lieu de mesures concrètes, précises et fiables, des biais dus à l’absence de contrôle des facteurs confondants, des standards de BMI arbitraires, des ambiguïtés statistiques, un usage systématique de la moyenne qui abrase l’hétérogénéité de la population, etc. Ils en concluent que « les diètes génériques et les guides de poids corporels sont dangereusement arrogants et basés sur l’imbécile conception d’une population constituée d’individus uniformes ».
Ma propre contribution au rapport d’expertise collective de l’ANSES sur les pratiques d’amaigrissement comporte une sévère critique de cette littérature qui alimente les préjugés au lieu de les combattre. J’y souligne que la majorité des études reposent sur des variables méthodologiques sans rapport avec la réalité clinique, que les données sont obtenues par des enquêtes déclaratives peu fiables, qu’elles comportent de petits effectifs et que les résultats sont évalués à court terme, sans contrôle des facteurs confondants; le poids n’est considéré qu’en valeur absolue au moment de l’étude, sans prise en compte de la cinétique de la courbe, du morphotype androïde ou gynoïde, ou des régimes antérieurs, etc. La plupart de ces études « se contentent de chercher la clé du phénomène sous le seul éclairage du préjugé originel : les obèses sont trop gros parce qu’ils mangent trop ». [4]
Des solutions qui aggravent le problème
Loin de l’agitation médiatique qui brasse les idées fausses, une petite minorité de chercheurs a fait réellement avancer les connaissances. Un article récent expose les mécanismes par lesquels les régimes amaigrissants font grossir, comment « les signaux de rétroaction provenant des deux masses, grasse et maigre, contribuent à la récupération du poids en affectant la prise de nourriture et la thermogénèse[5] L’analyse de ces mécanismes démontre l’existence du setpoint ou pondérostat, qui défend la stabilité pondérale à un niveau préréglé pour chaque individu. Ces auteurs expliquent aujourd’hui ce que certains cliniciens (dont je suis) avaient observé chez leurs patients et qu’ils affirment depuis des années : la répétition des régimes aggrave le poids.
Depuis le début des années 2000, quelques études épidémiologiques sérieuses avaient mis en évidence les relations entre le gain de poids et les tentatives de pertes de poids antérieurs, chez les adultes[6] [7] et les adolescents[8], sur de grands effectifs de population, avec des reculs allant de 3 à 15 ans. En France, le rapport d’expertise collective de l’ANSES2 auquel j’ai participé concluait que « les régimes à visée amaigrissante, qu’ils soient proposées par des médecins ou des non médecins, sont des pratiques à risques. [ …] et peuvent conduire à terme à un possible gain de poids irréversible ».
Dès 1980, Herman et Polivy[9] avaient démontré les effets paradoxaux de la restriction cognitive sur le comportement alimentaire qui conduit les sujets au régime à manger plus que ce qu’ils auraient mangé s’il n’avaient pas cherché à manger moins pour peser moins[10]. Depuis les années 1990, les travaux de Leann Birch[11] montrent comment la restriction alimentaire précoce imposée à l’enfant induit un comportement alimentaire propice à l’augmentation du poids. Tous ces auteurs soulignent les effets contreproductifs, voire iatrogènes, de mesures préventives qui reposent sur la seule restriction alimentaire. La surprenante augmentation de 35% de la prévalence d’obésité dans la classe d’âge 18-24 ans observée dans l’enquête ObÉpi 2012[12], alors que ce taux de prévalence stagne dans la population générale n’est-il pas révélateur des effets contreproductifs des campagnes de prévention organisée par les pédiatres français sur cette génération ?
La médicalisation du poids et du comportement alimentaire humains : un contresens épistémologique ?
La médecine occidentale est fondée sur le modèle logique causal linéaire: « supprimer la cause pour supprimer le mal ». En incitant à « manger moins pour peser moins », le modèle médical désigne l’excès alimentaire comme cause essentielle de l’obésité. Cette lecture découle d’une application simpliste de l‘équation énergétique qui postule une équivalence directe entre les calories absorbées et celles qui sont dépensées. Si l’équation est mathématiquement juste, son application est physiologiquement et cliniquement fausse parce qu’elle ignore tout des facteurs qui font varier à l’infini les rendements des calories absorbées : d’une part le métabolisme propre au mangeur et, d’autre part, la nature même des aliments, leurs associations particulières et leurs modalités de consommation.
Cette modélisation médicale repose sur le déni de la complexité et la multiplicité des facteurs “obésitogènes“ : génétiques, prénataux, environnementaux, ethniques, iatrogènes, alimentaire, etc., reliés entre eux par des interactions multiples que la science démontre aujourd’hui. Elle favorise la logique purement comptable des mesures diététiques qui sont appliquées aux mangeurs par des professionnels qui ignorent tout de la complexité de la fonction alimentaire humaine. Celle-ci est profondément impliquée dans le processus d’humanisation chez les omnivores humains: depuis l’interaction nourricière la plus purement biologique du nouveau-né qui se jette sans état d’âme sur sa source de lait (le sein maternel ou le biberon) au plus symbolique, tel le banquet final des aventures d’Astérix et Obélix, qui confère son statut de « fait social total »[13] à l’acte alimentaire humain.
La modélisation médicale ignore l’importance des interactions nourricières dans la construction de la personnalité, « c’est l’identité, l’estime de soi et le rapport à l’autre qui se jouent dans les échanges nourriciers, dont le climat relationnel va imprégner la vie affective future. La conscience du corps propre, l’affectivité, la sexualité, les activités cognitives et les valeurs morales inhérentes à la vie intellectuelle et sociale adulte s’y instaurent simultanément[14] ». On ne nait pas humain : on le devient jour après jour en partageant la nourriture avec les autres. Le déni de cette réalité par les instances sanitaires « favorise la dérégulation physiologique qui livre le comportement alimentaire à la puissance pulsionnelle incontrôlable. »[15]
Le « poids santé » de l‘OMS contredit par la science
La lutte contre l’obésité participe au mythe de la santé parfaite tel qu’il a été décrit par Lucien Sfez[16]. La minceur santé promue par les statistiques vient renforcer la minceur beauté, universel signe de distinction dans les sociétés d’abondance. Grossir c’est mal, maigrir c’est bien. La logique préventive (« un kilo pas pris n’est pas à perdre ») incite à peser le moins lourd possible. Moyennant quoi, personne ne s’inquiète des chiffres de la maigreur, pourtant supérieurs à ceux de l’obésité chez les femmes de 18 à 29 ans et, surtout, chez les filles de 15 à 17 ans dans l’étude ENNS 2006[17] : « 4,7% d’obèses contre 10,9% de maigres, un chiffre qui ne suscite aucun commentaire des auteurs […] Combien d’anorexies mentales évoluent-elles pendant des années sans inquiéter l’entourage du fait de cette obnubilation collective sur le surpoids ? ».[18]
L’obésité est le mal absolu. Le surpoids est considéré, et traité, comme son antichambre. C’est sa prévalence qui est désormais mise en avant dans les chiffres officiels : « En 2012, 32,3% des français adultes de 18 ans et plus sont en surpoids (25 ≤ IMC < 30 kg/m2) et 15% présentent une obésité (IMC ≥ 30 kg/m2). »11 Evidemment, 32,3% est plus impressionnant que 15% et plus propice à attirer les capitaux publics ou privés !
La science authentique s’accomplit loin des réverbères qui n’éclairent que les préjugés qui alimentent les médias. Quelques études récentes font aujourd’hui la démonstration de l’absurdité de la grille des corpulences de l’OMS. Elles révèlent que, contrairement à ce qu’affirme la doxa, le surpoids et même l’obésité modérée protègent la vie plus qu’ils ne la menacent[19]. Selon ces auteurs, le BMI associé au taux de mortalité le plus bas ne se situe pas entre 18,5 et 24,9kg/m2 comme l’affirme l’OMS depuis 1997, mais entre 25 et 30kg/m2, c’est-à-dire dans la catégorie surpoids. Le taux de mortalité s’élève légèrement de part et d’autre du surpoids, à égalité pour les BMI normaux (18,5 à 24,9kg/m2) et l’obésité modérée (30 à 34,9kg/m2), et il devient nettement supérieur pour les BMI au delà de 35kg/m2. La publication de cet article a suscité la tribune d’un cardiologue français dans le journal Le Monde[20]. A l’appui des auteurs du JAMA, il cite les résultats d’une étude en cours de publication. Chez 4000 sujets après infarctus du myocarde, le meilleur pronostic vital sur 5 ans est associé aux BMI entre 22 et 35kg/m2, ce qui inclut les catégories surpoids et obésité modérée. C’est pourtant au nom des risques cardio-vasculaires que les institutions de santé incitent les mangeurs des catégories surpoids et obésité modérée à s’imposer des restrictions alimentaires qui vont, à terme, les faire grossir davantage et les rendre vraiment malades. Dès 1989 déjà, une étude sérieuse avait pourtant montré que multiplication des régimes augmentait la mortalité cardiaque près de deux fois plus que la seule prise de poids[21]. Combien de temps faudra-t-il à nos experts pour l’admettre et cesser de transformer des biens-portants en malades?
Un corps sain et beau à la fois
Les mangeurs d’aujourd’hui bénéficient d’une abondance alimentaire exceptionnelle. Ils sont également plus sédentaires que leurs aïeux. Ayant davantage à manger et moins de raisons de bouger (dépenser les calories absorbées), il est mathématiquement normal qu’ils soient en moyenne plus lourds que leurs prédécesseurs. Or, les normes de corpulence que la société cherche à leur imposer sont très inférieures à celles de nos beautés d’hier telles que Marilyn Monroe, les modèles de Renoir ou ceux de Maillol. Belle au cinéma ou sur les photos, dans la toile ou la statue, la même corpulence est aujourd’hui jugée grosse lorsqu’elle est croisée dans la rue. Le slogan publicitaire de la marque BodyShop affirmait avec humour il y a une quinzaine d’années que « Seules 8 femmes sont des top-modèles, 3 milliards n’en sont pas ». Une plantureuse petite bonne femme dont les mensurations résultaient des moyennes de celles d’un échantillon de femmes tout venant en donnait la preuve.
Non seulement inaccessible pour la grande majorité des femmes, la minceur idéale est aussi pathologique : certaines agences de mode n’allaient-elles pas recruter leurs mannequins à la sortie de cliniques spécialisées dans le traitement de l’anorexie mentale ? Les « experts » en Nutrition ne manquent jamais de critiquer les incitations à la minceur des médias et des faiseurs de mode, mais ils ne s’interrogent jamais sur la pertinence de leurs propres critères de corpulence. Les aberrations du dogme de la minceur-santé viennent pourtant en renfort de celles des critères esthétiques de la minceur idéale. Ils en aggravent les effets en légitimant les pratiques d’amaigrissement par des arguments sanitaires, voire en prescrivant des restrictions alimentaires plus ou moins standardisées. Contrairement à l’opinion courante, les régimes des médecins sont plus dangereux que ceux qu’ils reprochent aux médias. Les régimes des ”copines” ou des magazines féminins ne portent guère à conséquence car ils sont rapidement abandonnés sans remord, mais « l’on s’efforce de suivre beaucoup plus longtemps le régime prescrit par un médecin et l’on se sent bien plus coupable lorsqu’on l’abandonne. »[22] L’anorexie mentale débute toujours par une tentative « raisonnable » de perte de poids et l’obésité devient d’autant plus massive au fur et à mesure de la répétition des régimes ; l’aggravation de ces deux extrêmes n’est-elle pas une conséquence iatrogène des aberrations de la médicalisation du corps et du comportement alimentaire humains ?
Changer les normes pour changer le regard
La science nous révèle aujourd’hui que le surpoids de l’OMS est le meilleur pour la santé. Cet indice de corpulence ne coïncide-t-il pas exactement avec les silhouettes de Marilyn, des Renoir, des Maillol et de la petite bonne-femme de BodyShop ? Va-t-on enfin pouvoir réconcilier la santé, l’esthétique et le réalisme ? Combien de temps faudra-t-il pour purger l’opinion publique des idées fausses que les plus hautes institutions de santé y ont semé, et qui déforment le regard que les humains portent sur leurs propres corps, les incitant à stigmatiser les plus gros d’entre eux ? Les fondements scientifiques (définition, classification, méthodologie et interprétation des données) sur lesquels s’appuient la médicalisation de l’obésité doivent être reconsidérés à la lumière des données récentes. La grille de lecture appliquée au corps et à l’obésité repose sur un contresens épistémologique potentiellement responsable de l’impact iatrogène des mesures de lutte contre l’obésité. Il appartient aux spécialistes de la médecine de l’obésité, aujourd’hui informés des réalités qu’ils ignoraient hier, de lutter contre les préjugés qu’ils ont renforcés à leur insu. Pour ce faire il leur faudra, toute honte bue, suivre la recommandation de Hans Jonas : « Reconnaître l’ignorance devient l’autre versant de l’obligation de savoir. » [23]
[1] En français : IMC, Indice de Masse Corporelle
[2] Le Barzic M. Démédicaliser l’alimentation, Pratiques, 56, 2012.
[3] WWW.brusselsdeclaration.org
[4] Le Barzic Michelle, in Evaluation des risques liés aux pratiques alimentaires d’amaigrissement, Expertise collective, 2010, ANSES.
5 Dulloo A.G ;, Jacquet J., Seydoux J ;, Montani J-P.. Comment les régimes amaigrissants font grossir : d’une perspective d’autorégulation de la composition corporelle, CND 2013, 48, 15-25.
6 Colditz G.A. & a. Patterns of weight change and their relation to diet in a cohort of healthy women, Am J Clin Nutr, 1990 ; 51 : 1100-1105.
7 Korkeila M. & al., Weigt loss attempts and risk of major weight gain :a prospective study in finnish adults, Am J of Clin Nutr 1999, ; 70 :965-975
8 Neumark-Sztainer D. & al. Dieting and unhealthy weight control behaviors during adolescence : Associations with 10-years changes in body mass index, J of Adol Health, 2012, 50 : 80-86.
9 Herman CP, Poliyy J. Restrained eating ; In Stunkard AJ, editor, Obesity, Philadelphia, WB Saunders, 1980, 208-25.
10 Le Barzic M. Le syndrome de restriction cognitive : de la norme au désordre du comportement alimentaire ; Diabetes Metabol 2001 ; 27 : 512-16.
11 Birch LL & al.Learning to overeat : maternal use of restricting feeding practices promotes girl’s eating in the absence of hunger. Am J Clin Nutr 2003 ; 78 : 215-20.
12 ObÉpi 2012, Chapitre III.
13 Aries P. La fin du mangeur, 1997, Desclée de Brouwer
14 Guy-Grand B., Le Barzic M. Les trois fonctions du comportement alimentaire, Rev Prat 2000, 50, 480-483.
15 Le Barzic M, La modernité alimentaire, une mutation nécessaire pour le mangeur et ses experts ? Chole-Doc, 2000.
16 Sfez L. La santé parfaite. Critique d’une nouvelle utopie, Le Seuil 1995.
17 Etude Nationale Nutrition Santé, ENNS 2006. Colloque du Programme National Nutrition Santé, Paris 2007.
18 Le Barzic M. Aspects psychologiques de l’obésité. EMC (Elsevier Masson SAS Paris) Endocrinologie-Nutrition, 10-506-G-10, 2010.
19 Flegal K. & al. Association of all-cause mortality with overweight and obesity using standard body mass index catégories : A systematic review and meta-analysis, JAMA, 2013, 309 :1, 71-82.
20 Danchin N., « Messages de santé publique : à consommer avec modération », Le Monde, 13-01-2013
21 Hamm P & al. Large fluctautions in body weight during young adulthood and twenty-five-year risk of coronary death in men, Am J Epidemiology, 1989 ; 129 :312-8.
22 Le Barzic M. ”Troubles du comportement alimentaire ou comportement alimentaire troublé ?” in Femmes et nutrition, Cerin, 2000 : 175-91.
[23] Jonas H. Le principe responsabilité, (1979) 1990, éd du Cerf.
Claudie Haxaire*, Philippe Bail**, Pierre Bodénez***
*Anthropologue, Faculté de médecine de Brest, CERMES3, **Médecin généraliste, *** Psychiatre addictologue, CHU Brest
Sur et sous médicalisation : des » raisons » de prescrire ou de ne pas prescrire un antidépresseur en médecine générale.
Les chiffres de vente d’antidépresseurs en France sont paradoxaux : bien qu’ils débordent largement ce que nécessiterait la prévalence de la dépression (compte tenu même de leur usage contre la douleur), les enquêtes auprès de patients montrent que certaines dépressions ne sont pas traitées en médecine générale. Au delà de ces données quantitatives, si l’on fait crédit aux médecins généralistes d’une connaissance minimum des recommandations de bonne pratique, la question est d’appréhender ce qui, dans le contexte de la pratique quotidienne, amène à déroger à ces règles. Replaçant la question de la prescription des antidépresseurs dans celle de la gestion plus générale des psychotropes de tous ordres consommés par leurs patients, nous avons travaillé sur le savoir pratique des MG en la matière à partir d’une enquête dérivée de l’ethnométhodologie. Il apparait que leur intervention prend en compte des tensions entre les données bio-psycho-sociales du contexte particulier de ce patient à ce moment de l’histoire de la relation thérapeutique. Nous avons mis en évidence des configurations d’actions dépendantes de ces contextes et non pas de la nature du produit. Les antidépresseurs y apparaissent comme outils des médecins généralistes lorsque la souffrance perçue dont ils reconstituent les « raisons », nécessite de prendre soin du patient, à défaut d’autres recours, ce qui peut produire une sur-médicalisation. Mais ils peuvent également estimer que le contexte ne justifie pas cette prescription, d’où une sous-médicalisation.
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Restitution de l’atelier en plénière
Par Omar BRIXI
Points saillants des différentes interventions :
Eric Galam a abordé 2 idées principales :
- Le curriculum caché,
- Croyances, Valeurs et Représentations.
Florence Amrouche a rapporté les dernières données en France s’agissant de la « Pauvreté, précarité, handicap, et conditions de vie en France et leurs effets sur la santé ». Celles-ci sont de plus en plus alarmantes et expliquent les racines des inégalités en santé.
Marc Jamoulle a traité de la « la prévention quaternaire » en envisageant non un mais tout au moins 2 points de vue, celui du médecin et celui du « patient et de l’humain », inscrits dans la « ligne du temps ». Il plaide pour un autre paradigme.
Michelle Le Barzic a argumenté le fait que « l’obésité est maladie fabriquée. L’obésité et l’anorexie sont des complications de la médecine et les régimes font grossir » ;
Elle conteste les définitions et les normes proposées et imposées et pointe le rôle des experts dans l’élaboration du modèle médical qui est en cause.
Elle propose de réconcilier le poids, l’esthétique et la santé et recommande comme prévention première de « ne pas aggraver les problèmes ».
Claudie Haxaire, pharmacienne et anthropologue a analysé les consommations et les prescriptions des médicaments psychotropes en appui sur 3 projets de recherche basés sur des méthodes ethno méthodologiques (350 consultations)
« Les catégories opératoires des médecins sont en cause : ils prescrivent des médicaments pour « soulager » leurs impuissances… ».
Le débat a pointé :
- La prescription comme un comportement sachant que la notion de « comportements » est largement discutée et discutable,
- l’intérêt de renoncer au sentiment de toute puissance et d’admettre l’erreur et les constructions,
- la nécessité d’élargir le champ des discussions,
En conclusion
On relève que les 5 exposés , sous contraintes de temps, ont chacun sous un angle tenté d’éclairer le champ de la « sous et sur médicalisation » :
– les croyances, valeurs et représentations pèsent dans « le curriculum caché »
– la dégradation des conditions de vie et ses effets sur la santé,
– la ligne du temps et les points de vue du médecin / du patient,
– l’obésité fabriquée et le déplacement des définitions et des normes.
Peut-on pour autant théoriser ?
Il est établi que sur et sous médicalisation sont les 2 revers du même phénomène, que la surmédicalisation est multiforme et qu’on est à la limite du progrès et des régressions.
La nécessité de recenser et d’accumuler les preuves, de travailler à une analyse logique et systémique, d’étudier la part respective relevant des différents protagonistes et d’explorer les stratégies alternatives.