Atelier N°1- Approche théorique: comment se construit la médicalisation, ses excès, ses carences
Vendredi 3 mai 2013 – 9h30 – 11h30 – Modérateur : Jean-Claude Salomon
La médicalisation dans l’histoire de l’humanité a été longtemps un élément constitutif du progrès. Son début peut être associé à l’apparition des shamans dans les sociétés primitives. La professionnalisation progressive des fonctions des guérisseurs ne les a pas fait complètement disparaître des sociétés industrialisées. Aujourd’hui les diverses professions de santé, leur organisation au sein d’un système de santé collectif et d’une structuration de la protection sociale caractérisent la médicalisation qui s’est réalisée depuis deux siècles, de façon différente selon les pays, parfois à l’issu de luttes politiques.
Dans tous les pays développés on constate deux phénomènes en apparence antinomiques : la surmédicalisation et la sous médicalisation. La sous médicalisation contemporaine n’est pas une étape dans le développement de la société, mais un recul récent, qui est associé à la paupérisation des certaines catégories sociales. La surmédicalisation, quelqu’en soient les déterminants, prive la société des moyens nécessaires pour agir de façon volontariste contre la sous médicalisation.
Nous proposons
1- d’accumuler les preuves de la surmédicalisation
2- d’en faire une analyse logique et systémique, d’en dresser la typologie
3- d’étudier la part respective jouée par
le complexe médico-industriel
la structure de la protection sociale et le rôle respectif des assurances obligatoires et complémentaires
l’organisation du système de santé
les paradigmes de la science médicale dans l’intelligibilité des limites entre le Normal et le Pathologique.
***********
Atelier N°2- Surmédicalisation: État des réflexions et des actions dans différents pays
Vendredi 3 mai 2013 – 9h30 – 11h30 – Modérateur : François Pesty
En privilégiant largement les solutions au constat, nous avons demandé à d’éminents spécialistes aux USA, au Royaume Uni et en Australie, sélectionnés sur la qualité de leurs travaux ou initiatives prises, de nous faire un retour sous forme de vidéos qui alimenteront nos débats avec les participants du colloque sur les questions suivantes :
– La situation caricaturale des Etats-Unis d’Amérique : “the US disadvantage“, “Shorter lives, poorer health“ (rapport de l’IOM), “Trends in overuse, underuse and misuse“
Speakers pressentis : Steven WOOLF, Minal KALE
– Les listes à faible valeur (“Choosing Wisely“ de l’ABIM Foundation et de Consumer Reports, “« do not do » recommendations“ du NICE, “D Grade” de l’U.S. Preventive Services Task Force, “disinvestment“ en Australie,…)
Speaker pressenti : Adam ELSHAUG, et sous réserve : Christine CASSEL, Kevin VOLPP, Sarah GARNER
– Les soins centrés au patient (“Shared decision making“, “Informed consent” et “patient empowerment”, “Early palliative care“),
Speaker pressenti : Timothy QUILL, et sous réserve : Harlan KRUMHOLTZ, Jennifer TEMEL, Jane WEEKS,
– La visite académique (“Academic detailing”, “counter detailing” or “outreach visits”),
Speaker pressenti : Jerry AVORN, et sous réserve Agnès VITRY
– Les politiques de gestion des conflits d’intérêts,
Sous réserve : Lisa BERO, Susan NORRIS
***********
Atelier N°3- Disease mongering / façonnage de maladies. Formes, méthodes et conséquences
Vendredi 3 mai 2013 – 14h00 – 16h00 – Modérateur : Elena Pasca
Nous définirons le contexte socio-historique qui permet que le marketing l’emporte sur la R&D, alors que les brevets des blockbusters expirent. De nouveaux marchés sont créés, pour maintenir rendement et profits, s’adapter à l’augmentation de certaines maladies et exploiter économiquement une médicalisation portée par l’idéologie néolibérale traduite dans un système entièrement surmédicalisé.
Nous tenterons de comprendre les conséquences de cette idéologie et pourquoi la société les accepte : l’interventionnisme d’une médecine agent de contrôle social qui extirpe la différence, normalise et uniformise ; la médicalisation des étapes de la vie, des états physiologiques, des émotions… Nous verrons comment les normes médicales deviennent des normes sociales, légitimant les « corrections » médico-pharmacologiques (renforcer la performance et le corps, allant jusqu’à la perfectibilité transhumaniste ; prévenir grâce aux dépistages, aux bilans réguliers, à la génétique…). L’approche descriptive, empirique et prétendument athéorique du DSM traduit le déclin de la démarche psycho-dynamique centrée sur le sujet et prenant en compte son environnement social, en faveur de « troubles mentaux » aux critères de diagnostic délibérément vagues, individualisés, légitimant le recours systématique à la psychopharmacologie et aux thérapies comportementales et cognitives.
Quant aux acteurs : des associations et d’autres « entrepreneurs moraux » s’ajoutent à l’industrie pharmaceutique et aux professionnels de santé comme façonneurs de maladies. Nous le comprendrons en étudiant les leitmotivs et les méthodes de disease mongering: désinformation pour ancrer certains clichés démentis par les faits (tels que la précocité ou le nombre d’examens qui seraient synonymes de meilleure chance); communication attisant la peur ; exigence illusoire de réduction et de prédiction du risque, en déformant le sens de la prévention : prévention mesurée en termes quantitatifs (nombre de dépistages, examens génétiques, check-up…, dont le bénéfice et l’efficience ne sont pas évalués) ; invention de maladies ; redéfinition de maladies existantes, selon des techniques que nous détaillerons ; baisse des seuils de « normalité » ; facteurs de risque présentés comme des maladies ; demande de « prise en charge » médicale du quotidien, conçue à tort comme une mesure de la qualité du système et de la démocratisation de la santé ; étiquette médicale sur des comportements relevant autrefois du jugement moral, religieux, juridique…
***********
Atelier N°4 – Le dépistage en cause ? La prévention, une cause ?
Vendredi 3 mai 2013 – 14h00 – 16h00 – Modérateurs : Omar Brixi, Michel Doré
Le dépistage du cancer du sein est mis en cause. Plus précisément, la stratégie systématique et de masse, le test radiologique adopté, et les sur risques des traitements appliqués. Et ce depuis de nombreuses années.
Ce qui est nouveau ces dernières années, c’est le caractère public de confrontations jusque là confinées dans des milieux scientifiques et institutionnels.
Des publications internationales, quelques travaux français, des médias grands publics, et les dossiers régulièrement mis à jour par la revue indépendante Prescrire, les ont récemment mis au devant de la scène.
L’utilité et les sur risques du programme organisé de dépistage du cancer du sein, qui a mis plus de 20 ans à s’imposer, sont désormais sur la place publique, aggravant l’angoisse des femmes et la perplexité des professionnels du soin.
Négation, ou arguments défensifs, d’un côté, mises en cause, et dévoilements de l’autre : autant d’attitudes de part et d’autre qui nécessitent un et débat scientifique et public afin de faire la part des choses.
Il faut dire, qu’outre les enjeux économiques, que le climat et l’esprit de la « guerre contre le cancer » engagée depuis les années 1960, en fait une chapelle ardente, une cause. « Octobre rose », manifestations, engagements et appels de toutes parts en témoignent.
Le dépistage du cancer du sein, pour être emblématique, n’est pas seul en en cause dans ces logiques de sur diagnostics et de sur traitements.
Nous aurons lors de nos échanges à situer ce qui est spécifique et ce qui est plus généralisé.
Par ailleurs, la prévention du cancer du sein, d’autres cancers ou des multiples autres affections chroniques, est loin d’être investie avec les mêmes énergies et ressources.
Pourquoi cet angle mort ?
Et si la prévention, passant par d’autres conditions de vie, de travail, de modes de consommation et de production, était une autre voie ? Voire une autre perspective ?
Ne mérite t elle pas justement qu’elle soit une cause parce que porteuse d’une autre vision, d’une autre échelle de valeurs, celle de la solidarité et du recul des inégalités sociales ?
Les participants à cet atelier sont conviés à interroger ce qui est en cause et ce qui mérite d’être une cause. Avec attention aux postures des uns et des autres et le souci de faire pré- valoir la controverse plutôt que la polémique.
***********
Atelier N°5 – Pour une meilleure efficience : actions et évaluations
Samedi 4 mai 2013 – 9h00 – 11h00 – Modérateurs : Alain Siary
Un certain nombre de recommandations et de propositions d’action sont régulièrement recommandées par les institutions de santé en France, alors qu’elles n’ont aucune preuve factuelle de leurs efficiences en médecine de premier recours ou en santé publique.
L’objectif de cet atelier est d’analyser à travers des exemples concrets ces insuffisances et de proposer quelques pistes pour à partir des conclusions qui en sont tirées.
Le paiement à la performance des médecins : il s’appuie sur un certain nombre d’indicateurs. Or il n’y a eu aucune concertation avec les sociétés scientifiques de praticiens, particulièrement ceux de premiers recours que sont les généralistes, pour définir leur pertinence et leur fondement scientifique. Par ailleurs aucune tentative d’évaluation expérimentale avant la mise en route du P4P n’a été effectuée, alors que les conclusions des travaux effectués dans les pays qui ont proposé le paiement à la performance sont mitigées.
Les campagnes de vaccination antigrippales : recommandée systématiquement après 65 ans, elle a couté 294 millions d’euro au régime général en 2011. Aucune étude sérieuse n’a prouvé l’efficacité de cette vaccination saisonnière. Une analyse du CDC aux Etats-Unis et un rapport du CIDRAP (Center for Infections Disease Control and Policy), organisme indépendant ayant travaillé sur 12 000 études publiées entre 1967 et 20112 ne retrouvent aucune preuve de l’efficacité de cette vaccination pour réduire les complications de la grippe et sa mortalité.
Les prescriptions médicamenteuses : à propos de quelques exemples.
Alors que nous sommes à l’ère de la médecine fondée sur des preuves factuelles (Evidence Based Médecine), un certain nombre de recommandations, se sont avérées infondées à la lumière des essais cliniques, alors qu’elles étaient censées être fondées sur des niveaux de preuve élevés :
– Le » lower is better » pour l’utilisation des antidiabétiques, des antihypertenseurs ou des statines
– La mauvaise utilisation en soins de premiers recours des hypolipémiants et des antibiotiques, prescrits excessivement et avec des produits souvent inappropriés.
Les actions de santé publique : Des actions comme celle visant à diminuer la consommation de sel de 20 % dans l’alimentation, la baisse de consommation de sodas à base de fructose, la diminution du tabagisme passif méritent de voir leur efficience mieux évaluée à partir de données épidémiologiques
***********
Atelier N°6 – Pour une meilleure efficience : Les médicaments essentiels
Samedi 4 mai 2013 – 9h00 – 11h00 – Modérateurs : Michel Thomas
La question des médicaments essentiels est plus que jamais d’actualité.
Le rapport IGF/IGAS de juin 2012, en rappelant que la « consommation française en médicaments est de 40% supérieure à celle observée dans les principaux pays voisins », a plaidé pour le « déploiement de référentiels médicaux…et l’élaboration d’une liste de médicaments de référence (« wise list ») telle qu’elle existe en Suède ».Le livre de Ph. Even et B. Debré a alerté le grand public.
Le travail entrepris par des Internistes au sein de la SNFMI rejoint par des généralistes du CNGE a considérablement avancé, et les résultats actuels seront présentés et discutés.
Parallèlement, la question de la déprescription des médicaments inutiles et/ou dangereux dans les populations en particulier chez les plus de 60 ans sera abordée. Elle représente l’autre face d’une bataille pour une meilleure efficience thérapeutique.
Télécharger la présentation des ateliers : Colloque 4S – Présentation des ateliers