Conférence introductive
« La voix du CNOM
La grande concertation »
Dr. Claude MAILLET, Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins, 31
Pour le Dr Patrick BOUET, Président du Conseil National
de l’Ordre des Médecins
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Atelier N°1
« Sur- et Sous-médicalisation en Médecine Générale »
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Modérateur : Omar BRIXI, Alain SIARY,
Avec la participation des Dr. Jacques BIRGÉ,
Patrick LAMOUR et Maïlys MICHOT-CASBAS
Prise de notes : Dr. Michel DORÉ
Participants : 21 médecins, généralistes en majorité, mais aussi Internes de médecine générale, ORL, Psychiatre.
Introduction
Dr Omar BRIXI
Questionnement introductif rappelé à l’ouverture des travaux
Dans ses pratiques, ses référentiels et ses apprentissages, la médecine générale [1] est elle confrontée aux logiques de la sur et sous médicalisation [2] ? Et si oui, comment et pourquoi ?
D’emblée, les participants à cet atelier ont manifesté l’envie d’être partie prenante dans la formulation des questions et leurs traitements. De ce fait, notes et communications introductives ont trouvé leurs places respectives lors des échanges multiples, aussi exigeants que cordiaux.
Il faut dire que la manière dont a été restituée « La grande consultation » par un représentant départemental du CNOM et son analyse, ont donné un ton « offensif ».
[1] Médecine générale, médecine de proximité, de 1er recours, de 1ère ligne, de ville, ambulatoire, et maintenant ou de nouveau, médecine de famille, soins de santé primaire, soins de santé de base, soins essentiels, soins au long cours qui concernent la part la plus importante de l’activité du médecin généraliste avec la prévention, etc. De tels intitulés peuvent dire la difficulté à nommer ce qui n’est pas aisé à circonscrire. Ou, dans le même temps, la multiplicité et l’évolution des acceptations. Dans tous les cas, les termes d’un débat en cours.
[2] Rappelons brièvement ce que nous entendons par sur et sous médicalisation. Il s’agit, selon nous, de deux phénomènes ou tendances à proposer, ou prescrire,
- des réponses médicales là où se posent des questions d’ordre social, psychologique ou sociétal,
- des réponses médicales inappropriées avec trop d’examens, de prescriptions et d’interventions.
Et de ce fait, des surdiagnostics et des surtraitements avec leurs conséquences sur les personnes et au plan économique. Sur et sous médicalisations sont les revers de la même médaille. Ce qui est dépensé de trop pour certains, n’est plus disponibles pour d’autres. L’une sature, l’autre prive. Et ce qui n’est pas dépensé pour certains qui le nécessiteraient se trouve utilisé pour d’autres qui n’en ont pas besoin …
Pratiquement, tous les intervenants se sont exprimés tout au long de ces 2 heures d’échanges.
D’où, après rappels et introduction, une parole libre, une modération non directive et une organisation des échanges autour des 3 questions suivantes :
- Comment la médecine générale rencontre la surmédicalisation ?
- Quelles sont les causes ?
- Comment peut-on contourner ?
Il en ressort des témoignages, des avis et des pistes, que nous avons quelque peu réordonnées selon les 3 niveaux suivants :
…
- Les manifestations
- « Difficile à décrire, car seul, on n’en a pas conscience», « le temps, la durée d’exercice permet plus facilement de percevoir quand il y a sur ou sous médicalisation », « prendre parfois en compte la demande du soignant qui exécute ma prescription plus que celle du patient », « j’ai décidé d’acquérir un échographe comme on fait un ECG ou autrefois des radioscopies, mais je ne suis pas encore compétent »
- les ordonnances plus chargées notamment pour les plus vulnérables,
- la pression du temps « comptable : « gagner du temps, alors que la confiance cela prend du temps »
- la difficulté à « résister aux infirmières et infirmiers », ou à « dé prescrire, notamment les prescriptions d’un spécialiste »,
- le recours inapproprié à l’échographie
- la projection de nos affects
- la crainte médico-légale
…
- Les causes ou des explications
- la formation médicale initiale: « l’image des maîtres, on apprend par ce qu’on a vu », « l’idée du « risque de passer à côté », « on est formaté à l’hôpital d’autant que le stage en médecine générale est à la fin »
- le mode de rémunération: le paiement à l’acte par son risque inflationniste ou les effets du salaire déconnecté des actes. Un avis : « Ce n’est pas le paiement à l’acte qui est cause de sur ou sous médicalisation, mais la valeur insuffisante du montant de l’acte qui plus élevée permet de donner du temps pour écouter et expliquer ».
- le temps tel que compté, pratiqué et vécu : quand j’ai besoin de temps pour comprendre, je peux prescrire des examens pour laisser passer du temps et revoir le patient.
- les recommandations prises à la lettre, en décalage avec les attentes. Ex. : Bronchiolites et ATB, ECG systématique avant sport de compétition, etc.
- l’accessibilité et l’organisation de l’offre de soins. Exemple : surmédicalisation du vendredi pour « franchir » le week-end. La sous-médicalisation du samedi et la dysmédicalisation du dimanche (peur d’appeler le 15)
- la pression des assureurs qui favorise la sous-médicalisation : ne pas faire d’examen pour ne pas connaitre un diagnostic surtout s’il est erroné (ex de l’apnée du sommeil)
- l’incertitude qui crée un risque de surmédicalisation.
- la pression administrative qui oblige à maintenir en situation de dépendance à un arrêt de maladie, un médicament, etc.
- la pratique « solo » : quand absence de compagnonnage ou travail en équipe, le risque de sur ou sous médicalisation
- la difficulté à résister, voire s’opposer aux avis des spécialistes
- les difficultés relationnelles, et le manque de formation dans ce champ,
- l’angoisse et l’insuffisance,
- la facilité, par moment ou épuisement,
- la concentration géographique de médecins, facteur de surmédicalisation
- les Inégalités Sociales et de Santé, comme cause des causes et facteur aggravant.
Exemples : un enfant qui tousse tout l’hiver, et une demande de familles vulnérables qui veulent des ordonnances d’antibiotiques avec le sentiment d’être sous médicalisées en cas de refus. Il y a aussi les demandes de patients immigrés, fragiles, qui demandent beaucoup d’examens et ne comprennent pas les risques qui en découlent.
- Contournements, alternatives ou échappées
- référence au reportage sur une consultation en Suède où le médecin ne prescrit pas
Courte vidéo extraite du reportage « Le système de santé suédois », diffusé sur France 2 le 23 février 2017 au cours de l’émission « Un œil sur la planète » :
- avec l’âge, j’ai les outils pour ne pas « tomber » dans la surmédicalisation.
- je fais des ECG pour éviter le recours au cardiologue qui est souvent inflationniste.
- quand j’écoute, quand je donne du temps les gens « achètent » ma proposition (enfin ceux que je vois). ils disent « ça me fais du bien de vous parler », « …non, je n’ai pas besoin d’ordonnance, j’ai compris ».
- ne pas conventionner les médecins qui s’installent en zone surmédicalisée.
- les stratégies décisionnelles (les bulles du Pr RÉACH) ou la prise en compte à la fois des données actualisées de la science, celles du patient, du médecin, des circonstances cliniques.
- honnêteté du médecin vis-à-vis de ses propres valeurs.
- usage du groupe BALINT pour aborder nos situations de stress et d’émotions ;…
- travail en groupe (groupe de pairs, BALINT, maisons médicales, etc.)
- recherche avec le patient d’une alliance thérapeutique
- travailler sur nos erreurs, elles sont tellement enrichissantes
- tous salariés.
- le numérique, par échange d’image
- les protocoles, mais difficultés d’établir des protocoles pertinents en médecine générale => recherche spécifique. limite, car un protocole pour une situation pathologique est plus facile à établir qu’un protocole pour une situation personnelle.
- ne pas être décideur pour l’autre
En somme
- le travail en groupe, en réseau, dans des cadres collectifs,
- l’alliance thérapeutique,
- la diversité des activités, des lieux, sources d’expérience,
- la transdisciplinarité
- la recommandation et les protocoles : l’esprit et non pas à la lettre
- la gestion des coûts pour disposer d’un temps « choisi »,
- la réhabilitation de l’écoute et celle de l’examen clinique,
- l’attention aux conditions de vie et de travail des gens,
- la personnalité du médecin, comme variable centrale,
- la capacité à différer les décisions comme les prescriptions pour prendre le temps de « décanter » une situation, voir échanger avec d’autres…
- favoriser l’être contre l’avoir pour résoudre le mal être….
- En synthèse
Les participants, évidemment celles et ceux qui ont choisi cet espace d’expression, disent vivre dans leurs pratiques quotidiennes ces nouvelles spirales du trop ou du pas assez.
Ils en témoignent, l’écrivent pour certains, et le conceptualisent de manière différente.
Chacun tient un bout d’explication et surtout est engagé dans une ou des formes de « résistances ou d’alternatives ».
L’intérêt pour l’effort d’écoute, la réhabilitation de la clinique, la dé prescription, sont là. D’autres sources de lecture, d’écriture, de communication, les confortent et nourrissent.
« On est au niveau de la prise de conscience » ! « Les patients ne sont pas des brouettes, il faut leur apprendre à être jardinier ».
Ce travail d’atelier semble intéresser les participants surtout s’il y a une suite à donner en encourageant les participants à s’en emparer dans les lieux et les formes qui leurs semblent possibles.
- Une bibliographie signalée (par les uns et les autres)
- Bryan Goldman analyse (???)
- « La surmédicalisation est-elle un mal évitable », vous pouvez réagir sur redaction@legeneraliste.fr. Une version pdf de l’article en ligne sur le site du Généraliste : ici, est accessible : ici.
- « Ethique d’un médecin de famille », le dernier livre de Marc JAMOULLE. Une préface alléchante du Dr Daniel WIDMER : ici.
- Vous pourrez tous revoir « KNOCK » diffusé sur France 3, en téléchargeant le fichier suivant : Vidéo au format .ts (1,1 Go), cliquer ici. Le téléchargement peut être long…Ce fichier, d’une durée de 1h40, est lisible avec le logiciel libre (gratuit) VLC, que vous pourrez télécharger : ici.
Les posters affichés durant le colloque :
….
N°9 – Béatrice FERRARI : Rééducation de l’AOMI en cabinet de kiné libéral
Extraits de la note introductive (O Brixi, 20/04/2017)
- Les spécificités de la médecine générale, ses atouts et ses faiblesses.
Et si nous regardions quelques spécificités de la médecine générale, atouts et faiblesses.
La place et le contenu de l’examen clinique ont longtemps été l’apanage de toute la médecine, mais surtout de la médecine générale.
- Au vu des évolutions de toutes natures, d’ailleurs de plus en plus accélérées (technologies, numérisation, robotisation, e-santé …), quelle place et quel contenu veut-on, doit-on lui accorder dans des pratiques revisitées ?
Tout comme la place de l’écoute, de la prise en compte de la parole et du vécu des patients, à l’heure de l’élévation du niveau culturel, des exigences citoyennes et démocratiques, de l’accessibilité via la toile à plus d’informations et de données.
- Cette question de l’écoute, centrale d’un point de vue thérapeutique et démocratique, probablement tendancielle ne se heurte-t-elle pas aux nouvelles normes et pratiques de la « santé connectée », d’un « nouvel élan » du consumérisme apparemment actif au nom de plus de santé et de bien être ?
- Médecine générale ou médecine spécialisée ?
En France comme dans de nombreux pays dits développés, la médecine générale a été érigée en médecine spécialisée depuis une vingtaine d’années (?). Avec les attributs de la médecine de spécialités : durée des études, grades, référents hospitalo-universitaires, cursus (?), sauf pour les tarifs de remboursement où CS est encore revendiqué !
Mais si les disciplines spécialisées se définissent par rapport à un organe, un appareil, ou un système, la médecine générale est concernée par l’ensemble.
- Médecine interne et Médecine générale spécialisée ?
Alors que la médecine interne, couvrant plusieurs appareils, est organisée et pratiquée, en tant que telle depuis plusieurs décennies, comment positionner une médecine générale spécialité ? La 1ère, plus hospitalière, la seconde plus ambulatoire. Celle-ci de 1er recours, la médecine interne en second et en cas de besoin
- A ce niveau, ne devrait-on pas faire un effort d’évaluation de ce que cette érection de la traditionnelle MG en « médecine générale spécialité » a apporté en qualité et en quantité des services rendus aux patients ? Si ce n’est déjà fait, en partie ou de manière plus exhaustive ? En se gardant de céder aux polémiques corporatistes ou aux analyses de type institutionnel ou administratif.
La dénomination médecine de ville est elle bien claire, pour qui connait le poids de la médecine libérale en France, tout particulièrement, depuis 1927, puis 1947 ! Et le qualificatif n’est pas qu’idéologique. Il se traduit par les 5 fameux principes : libertés de prescription, d’installation, du choix de son médecin … …
Ce mode d’exercice, jusque là principalement en solo, a forgé des pratiques, des praticiens, et des comportements, ceux des décideurs comme ceux des patients. Soutenu par des ordres qui veillent, il s’est imposé comme un dogme. Les résistances, les évolutions des connaissances, des techniques et des nouvelles générations font bouger les lignes : on parle d’exercice collectif, pour désigner des cabinets de groupes ou de manière plus diverse et ouverte des maisons médicales pluri-professionnelles, de plus en plus soutenues par les pouvoirs publics, face à ce qui est qualifié de « déserts médicaux ».
- Comment apprécier ces évolutions ? Portent elles seulement sur les modes de travail, d’organisation ou dans les statuts et les pratiques ? La MG pourra- t-elle enfin s’épanouir libérée du cadre libéral même si on sait les limites du salariat ?
Les dénominations médecine de 1er recours ou 1ère ligne relèvent quant à eux d’une vision organisationnelle largement portée à une certaine époque par l’OMS qui habilite la notion de hiérarchie des soins et des structures. Le 1er recours étant celui des urgences ambulatoires, des soins tout-venant et des soins continus. Cette notion est tournée vers le patient et son accessibilité géographique.
Dans de nombreux pays, le maillage réalisé en France par la médecine libérale dite de ville, est constituée de structures ambulatoires types centres de santé et/ou maisons médicales, mais en proportion plus grande et surtout insérée dans une organisation pyramidale où les soins spécialisés et l’hôpital ne sont accessibles qu’après l’étape de la médecine ambulatoire de 1er recours et en lien avec ce maillon. Des médecins traitants, mais effectifs et impliqués par la suite.
La dernière loi de Santé Publique a été précédée d’un gros rapport qui ambitionnait la révolution du 1er recours de soins. Cette belle perspective a enfanté paradoxalement les GHT (groupements hospitaliers) territoriaux. On a encore plus détaché médecine de 1er niveau et hôpitaux !
Au Québec, ils en étaient, à une époque au 2ème virage ambulatoire. En Suède, les centres de santé municipaux ont été renforcés et ont semble-t-il une bonne perception (confère la dernière émission sur France 2, « Le système suédois – Un œil sur la Planète » diffusé le 23/02/2017).
- Peut-on espérer qu’on parvienne en France à l’inversion de l’organisation du système de soins actuellement hospitalo-centré vers des structures en médecine générale au 1er niveau, porte d’entrée de la filière de soins gradue vers les soins spécialisés et les hôpitaux, si nécessaires et utiles ? L’appellation médecine de famille a refait émergence dans de nombreux pays. Que recouvre-t-elle ?
- Les défis d’une médecine générale renouvelée, entre questions et ouvertures
- Une des conditions est de « délivrer » les pratiques et les praticiens de leur « utérus » d’origine, le CHU où dominent la pratique et les enseignements de la médecine par spécialités. Non pas des savoirs et des pratiques des spécialistes, mais des monopoles quels qu’ils soient.
- Une autre condition passe par l’indépendance tant recherchée des nécessaires pratiques de formation continue de l’industrie pharmaceutique. Les combats d’hier sont encore devant nous.
- Les cadres d’exercice ne peuvent pas être immuables ou monolithiques. Le mouvement de regroupements, d’exercice en équipe, de modes de financement mixtes …est engagé. A quel rythme, dans quel type d’évolutions ?
- La gestion du temps peut-elle être libérée de l’argent ?
- La sobriété, et la progressivité dans les prescriptions d’examens et de thérapeutiques ont été souvent coincées entre les approches comptables de type bureaucratiques et les demi-mesures suite aux scandales et remises en causes scientifiques et techniques.
- Peut-on et comment inverser vers une approche du « juste soin » ?
- La territorialisation est encore abordée sous l’angle administratif. Alors que longtemps l’OMS et de nombreux pays ont référé à ce qu’on appelait les districts, secteurs, circonscriptions sanitaires : une population dans son cadre de vie et de travail, sur un territoire et un ensemble de services dédiés et de proximité.