Atelier N°3 – Colloque 2012

 27 avril, après midi.

Surdiagnostics source de surtraitements

Modérateur : Alain Siary

270420121918

Surdiagnostics, facteurs de surtraitements

Les apports de l’imagerie (Scanners, IRM), ainsi que le dépistage organisé (sein) ou devenu systématique (prostate) de certains cancers est facteur de surdiagnostics. En outre certains changements dans les procédures d’intervention chirurgicales se traduisent par des examens histologiques objectivant des cancers : c’est le cas des thyroïdectomies totales effectuées pour des adénomes ou des goitres hétéromultinodulaires. D’où l’augmentation des cancers de la thyroïde parallèle à la fréquence des thyroïdectomies.

La confusion entre facteurs de risque et maladies est une autre cause de surdiagnostics : ainsi de l’ostéoporose dépistée par densitométrie, l’interprétation des résultats devant être associée aux facteurs de risque fractuaire. De même les dyslipémies : l’augmentation du LDL Cholestérol chez les patients indemnes d’une hypercholestérolémie d’origine monogénique, n’est qu’un facteur de risque parmi d’autres. Un troisième moyen de conduire aux surdiagnostics est de diminuer les seuils de définition d’une maladie : Ainsi l’abaissement du seuil à 140/90 mm pour définir l’HTA, ou 1,26 g/l pour le diabète etc …

Enfin, l’assimilation de troubles du comportement à des affections psychiatriques graves : par exemple les personnes présentant un épisode dépressif d’évolution variable avec des phases indemnes de manifestations de tristesse, considérés comme des bipolaires ou les personnes de caractères obsessionnels, dont les comportements sont assimilés aux troubles obsessionnels compulsifs à la mode il y a une quinzaine d’années avant d’être remplacés par les troubles bipolaires.

Ces surdiagnostics sont associés à des surtraitements : chirurgie, radiothérapie, traitements médicamenteux, Iode 131 pour la thyroîde….

Intérêt de l’Evidence Based Médecine : EBM

La médecine factuelle fondée sur des critères cliniques robustes, tenant compte du contexte dans lequel elle s’exerce et du choix éclairé du patient est un outil indispensable pour freiner des pratiques délétères : ainsi le scanner vertébral par le nombre important de hernies discales découvertes en cas de lombalgies avait favorisé des interventions chirurgicales inutiles, avant que l’on découvre que les images de hernies étaient aussi fréquentes chez les personnes indemnes de douleurs, de même le dépistage du neuroblastome remis en cause par 2 études randomnisées.

Par ailleurs il n’est pas rare que des essais randomisés remettent en cause des traitements administrés systématiquement aussi bien auprès de personnes indemnes de pathologies avérées, comme l’aspirine à visée antiagrégante ou les antioxydants ou des personnes ayant présenté un évènement pathologique, chez qui on veut éviter une aggravation : c’est le cas des anti-arythmiques après un infarctus, ou le blocage complet du système rénine-angiotensine en cas de néphropathie, alors que les hypothèses faisaient prévoir le contraire.

Le concept de prévention quaternaire

Ce qui nous amène dans un 3ème temps à présenter le concept de prévention quaternaire que l’on peut définir comme la prévention de la médecine non nécessaire ou mieux comme la prévention de la prévention inutile. Ne pas procéder à des dépistages inconsidérés non validés par des essais biens conduits, ne pas proposer d’examens d’imageries qui risquent de montrer des incidentalomes facteurs d’angoisses et de nouvelles explorations, ne pas proposer des traitements qui n’ont été validés qu’auprès de populations présentant des risques différents de la personne concernée. La prévention quaternaire est une tâche de base du médecin généraliste qui nécessite une bonne connaissance et pratique de l’Evidence Based Médecine.

270420121917


 

Bernard Junod , Bernard Duperray

Surdiagnostic et surtraitement du cancer du sein par radiothérapie

cliquer sur l’image pour ouvrir la présentation

dépistage du cancer.Duperray

Résumé du diaporama : cliquer sur le lien

Le risque de surdiagnostic dépend du stade de cancer du sein. Il est plus élevé lorsqu’il s’agit d’un cancer in situ versus infiltrant ou alors sans versus avec envahissement ganglionnaire.

La définition de surdiagnostic : Cancer histologique qui n’évolue pas vers des symptômes cliniques.

Les risques associés à une radiothérapie pour cancer du sein sont surtout des affections cardiaques et des cancers du poumon.

Les conséquences néfastes d’un surtraitement par radiothérapie sur la mortalité globale résultent d’une balance bénéfice/risque tributaire de la proportion de surdiagnostics parmi les patientes traitées.

Les dernier travail sur les risques de la radiothérapie à long terme est une étude de l’IGR qui montre une surmortalité cardiovasculaire de 76% 20 ans après irradiation pour cancer du sein dans une cohorte traitée entre 1954 et 1984.


Alain Braillon .

Médecin des hôpitaux viré du CHU d’Amiens par le Ministère de la santé contre l’avis de la Commission Statutaire Nationale

Dépistage du cancer de la prostate, un scandale sanitaire de plus .

Cliquer sur l’image pour ouvrir la présentation

Dépistage du cancer de la prostate

 Dépistage du cancer de la prostate, un scandale sanitaire de plus ?

Le test PSA pour dépister le cancer de la prostate ne doit plus être fait aux hommes en bonne santé et ne devrait plus être remboursé. Une procédure formelle d’autorisation, comme pour un médicament, est nécessaire pour les programmes de santé publique. Il est de la responsabilité de l’Etat de mettre fin à une dérive dont les conséquences sont catastrophiques. Malgré les mises en garde, la pratique du PSA est passée de 2,7 millions en 2003 à 4,6 en 2010.

Il existe depuis des années un aller retour entre les instances officielles qui restent évasives (ANAES, HAS) et l’Association Française d’Urologie qui prône par des campagnes médiatiques sans fondement scientifique, le dépistage systémique du cancer prostatique. Il n’y a aucune corrélation entre la participation à un dépistage des personnes concernées et sa validité :

Prostate : 75% des hommes ont effectués des dosages de PSA. Ce dosage est estimé en coût au 7ème rang des examens biologiques chez les généralistes en 2003.

Sein : 53% des femmes de 50 à 74 ans ont effectué des mammographies de dépistage (2011)

Colon : 34% des personnes de 50 à 74 ans ont eu un Hémocult (2011), alors que ce dépistage a fait preuve qu’il apportait un bénéfice.

Col : La participation au dépistage n’est pas précisée.


Ibrahim Lassoued, Marc Jamoulle

Cancer du sein ; dépistage ou surdiagnostic.

Les auteurs ont tenté d’actualiser les connaissances en matière de dépistage du cancer du sein par une revue de la littérature scientifique, des recommandations faites par différentes institutions nationales de santé ainsi que les potentiels effets indésirables par le surdiagnostic et le surtraitement. Les auteurs pensent que les médecins généralistes peuvent informer leurs patientes sur les enjeux du dépistage.

Méthode : La revue de la littérature, ainsi que la lecture d’ouvrage sur les enjeux de dépistage, les travaux de certains experts ont pour but d’éclaircir les points suivants :

  • Les principes de base épidémiologique pour qu’un dépistage soit utile
  • Le bénéfice éventuel du dépistage systémique des femmes du cancer du sein par la mammographie.
  • Les risques et effets indésirables du dépistage du cancer du sein par la mammographie.
  • L’information des femmes invitées au dépistage

Cliquer sur l’image pour ouvrir la présentation

cancer du sein lassoued jamoulle

Résultats : Il existe des divergences entre diverses institutions quant à l’efficacité du dépistage du cancer du sein. Les conclusions de la Cochrane ainsi que de la revue Prescrire sont très réservées et même si il y a un bénéfice, celui-ci est minime et insuffisant pour avoir un avis tranché sur la question. En effet, le NNS pendant 10 ans (number need to screen) est de 2000. Dans le même temps 10 femmes en bonne santé seront traitées inutilement d’un cancer et 200 femmes seront faussement alertées par ce dépistage.

Toutes les institutions étatiques (KCE , HAS , Canadian Task forces, etc…), recommandent la poursuite du dépistage des femmes de 50 à 69 ans et considèrent que le bénéfice c’est à dire la détection de la tumeur à un stage précoce avec pour conséquence un traitement moins lourd (ce qui est faux) et une réassurance des femmes dont l’examen est négatif (ce qui est une erreur 20% de faux négatifs) est supérieur aux effets indésirables c’est-à-dire faux positifs, faux négatifs et traitement de tumeurs à croissance très lentes. Ces institutions espèrent qu’au fil du temps le dépistage fera ses preuves par une diminution plus significative de la mortalité même si actuellement, on ne dispose pas d’arguments scientifiques pour attribuer cette petite baisse de mortalité au dépistage. Par ailleurs l’information biaisée donnée aux patientes fait émerger de fausses croyances sur la mammographie.

92% des femmes ignorent les risques des surtraitements.

68% pensent que la participation au dépistage diminue le risque d’avoir un cancer du sein. La majorité estime que par le dépistage, même si il y a un cancer, le traitement sera moins agressif.

60% pensent que le dépistage réduit de 50% la mortalité.

Le rôle du médecin généraliste est d’informer les femmes sur les incertitudes de ce dépistage (les incertitudes de l’imagerie avec les faux positifs, les faux négatifs, le surdiagnostic, la fausse réassurance) afin qu’elles décident de leur choix (se faire dépister ou pas) en toute connaissance de cause.


Jacques Testart

Le cas de l’Assistance médicale à la procréation (AMP) : cliquer sur le lien

La surmédicalisation dans l’AMP est particulièrement remarquable. Les interventions médicales concernent des personnes non malades, traitent des couples plutôt que des individus, visent seulement à supprimer le symptôme (stérilité), cachent les causes exogènes (environnement) ou non médicales (âge, angoisse, …) et favorisent de nouveaux diagnostics (DPI).

Ces diagnostics, à visée éliminatoire, camouflent les échecs de la thérapie génique et ouvrent des perspectives infinis à la « médecine préventive ». Ces diagnostics, à visée éliminatoire, camouflent les échecs de la thérapie génique et ouvrent des perspectives infinis à la « médecine préventive ».

15% des couples présentent une infertilité, 3% des naissances procèdent d’une AMP.

La proportion de stérilités idiopathiques est passée de 10 à 25%

On est passé des indications médicales (obstruction des trompes, dysovulation, déficiences du sperme) à des indications sociales : femmes seules, couples homo, femmes ménopausées. Les conséquences sont les suivantes :

  • Les examens complémentaires et les traitements s’inscrivent dans le cadre d’une médicalisation croissante du corps féminin avec multiplication des dosages hormonaux sous agonistes LH-RH.
  • Les tests génétiques n’ont d’autre effet que d’augmenter les angoisses des couples concernés.
  • La technique de l’injection des spermatozoïdes dans l’ovule concerne actuellement les 2/3 des FIV
  • 1/3 des enfants nés sont des jumeaux.
  • Risque de dérives eugéniques avec le diagnostic préimplantatoire avec recherche de l’enfant idéal par tri des embryons.
  • Prévention de l’infertilité consécutive à une ménopause précoce : Bilan à 33 ans en vue d’une procréation 10 ans plus tard.

Malgré cette surmédicalisation avec des traitements coûteux faisant appel à une large utilisation d’hormones recombinantes et l’engouement des médecins, le taux de succès n’a pas changé depuis 38 ans.

Compte rendu de l’atelier N°3 : cliquer sur le lien

 

 

Laisser un commentaire