Introduction & Point sur les actions Princeps – Colloque 2017

Vendredi 28 avril 2017 – Matinée

Accueil des participants

Ouverture du colloque

Accueil du Doyen de la faculté de médecine de Bobigny

Mots de bienvenue : Professeur Michel THOMAS

Conférence introductive

 

« Apport de la biologie moléculaire dans les

progrès de la médecine »

 

Dr. Gérard ROIZES

Directeur de Recherche Émérite, Montpellier

Cliquer sur l’image ci-dessous pour ouvrir la présentation diapositivesRésumé
Les progrès de la Génétique moléculaire dans les dernières décennies ont permis d’imaginer que rapidement elle entrerait dans le quotidien du diagnostic, de la prévention et du traitement des maladies humaines à composantes génétiques.
La détermination des défauts moléculaires dans un nombre croissant de maladies monogéniques mendéliennes (thalassémies, anémie falciforme, mucoviscidose, myopathie de Duchenne…) a permis, chez des couples à risque, d’éviter des naissances affectées par ces maladies grâce au Diagnostic Anténatal (IVG, DPI :Tri d’embryons avant Fécondation in vitro), réel progrès pour la médecine.
Les promesses maintes fois proclamées que la Thérapie génique allait rapidement permettre de traiter les personnes atteintes de ces affections n’ont, elles, jusqu’à aujourd’hui pas été tenues : malgré des milliers d’essais cliniques, le bilan est plus que modeste et la possibilité que l’édition du génome par la technologie CRISPR-Cas9 palliera les difficultés rencontrées n’est encore qu’un espoir fragile.
Le « Programme Génome Humain » qui a abouti au séquençage de notre génome en 2003, a amplifié les attentes de progrès pour la médecine, notamment en présentant la Médecine prédictive comme à nos portes. Les Etudes d’Association pangénomiques devaient en effet déterminer les facteurs génétiques de susceptibilité pour la plupart des maladies communes. Malgré plusieurs milliers d’analyses de ce type et, il faut le noter malgré quelques succès, on reste sur sa faim car les facteurs, nombreux, mis en évidence ont chacun une contribution très faible au phénotype morbide et ne permettent pas de calculer un risque individuel prédictif.
On montrera que l’étude des facteurs génétiques comme s’ils intervenaient indépendamment les uns des autres et la non prise en compte de l’environnement sont des handicaps expliquant pour une large part les limites de ces approches.
D’une manière plus globale, on s’attachera à montrer que la complexité énorme de l’organisation du génome humain et de son fonctionnement explique largement pourquoi se limiter à la séquence des gènes et de leurs mutations est insuffisant dans beaucoup des approches espérant établir une relation simple entre génotype et phénotype.
On expliquera enfin que les projets (par ex : ExAC, Exome Aggregation Consortium) permettant d’analyser en même temps par séquençage les parties codantes (exomes) de dizaines de milliers d’individus font apparaitre des fréquences de mutations beaucoup plus élevées qu’on ne le pensait, considérées jusqu’ici comme léthales, et qui montrent que la pénétrance des maladies mendéliennes est souvent relativement faible. Ce qui fait craindre que le diagnostic de ces maladies par simple séquençage du génome, comme cela est actuellement une tendance forte, peut avoir des conséquences dévastatrices comme le montrent plusieurs exemples !

Messages-clés du Dr Gérard ROIZÈS :

– De réels progrès grâce à la génétique moléculaire dans le domaine du diagnostic anténatal ont permis d’éviter chez des couples à risque des naissances affectées par des maladies monogéniques
– Mais, la thérapie génique n’a pas tenue ses promesses
– La complexité et la multiplicité des facteurs génétiques de susceptibilité aux maladies communes rendent illusoire le calcul d’un risque individuel prédictif
– Se baser uniquement sur le séquençage du génome pourrait induire de nombreux surdiagnostics et surtraitements

Discussion

 

« Innovation et progrès »

Etienne KLEIN

Physicien et philosophe, Professeur à l’École Centrale

Etienne KLEIN n’était pas disponible aux dates du colloque 2017. Il a bien voulu et nous l’en remercions vivement, écrire pour nous le très beau texte que nous reproduisons ci-après :

« J’ai le sentiment que le mot progrès est de moins en moins fréquemment utilisé, qu’il a même quasiment disparu des discours publics, où il se trouve remplacé par un mot qui n’est pourtant pas son synonyme : innovation. D’où cette question : nos discours sur l’innovation prolongent-ils l’idée progrès ou s’en détournent-ils ?
L’idée de progrès était une idée doublement consolante. D’abord, parce qu’en étayant l’espoir d’une amélioration future de nos conditions de vie, en faisant miroiter loin sur la ligne du temps un monde plus désirable, elle rendait l’histoire humainement supportable. Ensuite, parce qu’elle donnait un sens aux sacrifices qu’elle imposait : au nom d’une certaine idée de l’avenir, le genre humain était sommé de travailler à un progrès dont l’individu ne ferait pas lui-même forcément l’expérience, mais dont ses descendants pourraient profiter.
En somme, croire au progrès, c’était accepter de sacrifier du présent personnel au nom d’une certaine idée, crédible et désirable, du futur collectif.  Mais pour qu’un tel sacrifice ait un sens, il fallait un rattachement symbolique au monde et à son avenir. Est-ce parce qu’un tel rattachement fait aujourd’hui défaut que le mot progrès disparaît ou se recroqueville derrière le seul concept d’innovation, désormais à l’agenda de toutes les politiques de recherche ?
En 2010, la Commission européenne s’est fixé l’objectif de développer une « Union de l’innovation » à l’horizon 2020. Le document de référence commence par ces lignes : « La compétitivité, l’emploi et le niveau de vie du continent européen dépendent essentiellement de sa capacité à promouvoir l’innovation, qui est également le meilleur moyen dont nous disposions pour résoudre les principaux problèmes auxquels nous sommes confrontés et qui, chaque jour, se posent de manière plus aigüe, qu’il s’agisse du changement climatique, de la pénurie d’énergie et de la raréfaction des ressources, de la santé ou du vieillissement de la population ».
En somme, il faudrait innover non pour inventer un autre monde, mais pour empêcher le délitement du nôtre monde actuel. C’est l’état critique du présent qui est invoqué et non pas une certaine configuration du futur, comme si nous n’étions plus capables d’expliciter un dessein commun qui soit attractif. L’argumentation s’appuie en effet sur l’idée d’un temps corrupteur, d’un temps qui abîme les êtres et les situations. Or une telle conception tourne le dos à l’esprit des Lumières, pour qui le temps est au contraire constructeur, à la condition, bien sûr, qu’on fasse l’effort d’investir dans une certaine représentation du futur.
L’innovation serait-elle venue compenser en douce la perte de notre foi dans le progrès ?
Bien qu’invoquée plus de 300 fois dans le document de moins de 50 pages cité plus haut, l’innovation n’y est nulle part définie. Pourtant, l’importance des enjeux soulevés mérite qu’on s’interroge sur la cohérence de ses diverses orientations. Un passage par l’histoire nous y aidera.
Le verbe « innover », qui remonte au XIVe siècle, dérive d’innovare qui signifie « renouveler » en bas latin. Il est d’abord utilisé par les juristes dans le sens d’ajouter une clause dans un contrat déjà établi, avant de désigner plus généralement le fait d’introduire une nouveauté dans une chose préexistante. C’est à Francis Bacon (1561-1626), l’inventeur de l’idée de progrès, que l’on doit le premier usage du mot en rapport avec les sciences et les techniques. Il consacre un chapitre de ses Essais de Morale et de Politique (1625) à démontrer la nécessité d’innover en dépit des risques que cela implique : « Certainement, chaque médicament est une innovation, et celui qui ne s’applique pas de nouveaux remèdes doit s’attendre à de nouveaux maux ; car le temps est le plus grand innovateur, et si le temps, bien sûr, change les choses pour le pire, et que la sagesse et le conseil ne les modifient pas pour le meilleur, quelle sera la fin ? ».
Transparaissent déjà deux traits distinctifs de la notion d’innovation : le premier est que le progrès de la connaissance doit se traduire par une efficacité accrue des remèdes aux maux de la société ; le second est que, le temps jouant contre nous, la recherche de l’innovation est une nécessité si l’on veut contrecarrer ses effets corrupteurs. Cependant, l’innovation présentant toujours le risque d’aggraver les maux, Bacon recommande d’avancer prudemment, presque insensiblement, au rythme du temps même.
On pourrait commenter chacune des phrases ciselées de Bacon, qui sont curieusement très actuelles. Mais il faut leur ajouter une dimension, celle de l’économie, si l’on veut comprendre le rôle de l’innovation dans le monde contemporain. Dans sa Théorie du développement économique (1911), Joseph Aloïs Schumpeter (1883-1950) expliquait comment l’innovation permet au capitalisme de se renouveler : elle agit comme une « destruction créatrice » de valeur. En penseur libéral, il attendait des innovations qu’elles ruinent les situations de rente afin que d’autres entrepreneurs puissent émerger. Un tel processus nécessite de la modification d’au moins un facteur de production : l’introduction d’un nouveau produit, d’un nouveau procédé, l’ouverture d’un nouveau marché, la mise en place d’une nouvelle organisation ou l’utilisation d’une nouvelle ressource (matière première ou source d’énergie). Souvent l’innovation technologique est réduite aux deux premiers facteurs, alors qu’elle peut aussi consister en l’identification d’un nouveau débouché pour une technologie déjà existante, en l’invention d’une nouvelle organisation au moyen d’une technologie générique, ou encore en un progrès accompli dans le domaine des matériaux ou de l’énergie.
Faut-il pour autant confondre la figure du chercheur avec celle de l’innovateur ? Schumpeter prenait soin de préciser, d’une part que toute innovation ne suppose pas forcément une invention, d’autre part que toutes les inventions n’ont pas vocation à devenir des innovations. Toutefois, il insistait sur le fait que ce sont les innovations induites par les progrès scientifiques qui sont les plus susceptibles de produire des ruptures et d’introduire de la métastabilité dans l’économie. On retrouve là l’idée de Bacon qu’innover est une nécessité, quand Schumpeter privilégie, lui, les innovations en grappes qui bouleversent les structures.
C’est dans cette opposition entre innovations graduelle et disruptive que réside tout l’enjeu : l’innovation doit-elle prolonger les cycles en cours, soutenir les structures existantes et rendre notre mode de vie durable ? Ou bien doit-elle ouvrir des voies radicalement neuves, substituer des techniques inédites à celles héritées du passé et ainsi révolutionner nos sociétés ? À cause de cette ambivalence, il arrive que la rhétorique de l’innovation technologique prenne la forme d’une injonction paradoxale : « que tout change pour que rien ne change ! ». Mais qui donc peut trouver cela excitant ?
En 1987, le philosophe Georges Canguilhem publiait un article intitulé « La décadence de l’idée de progrès ». Il y présentait la notion de progrès selon deux phases différentes. La première phase, formalisée par les philosophes français du XVIIIe siècle, s’attache à décrire un principe constant de progression potentiellement infinie. Son modèle est la linéarité et la stabilité, et son symbole est la lumière. La seconde phase apparaît lors de l’établissement au XIXe siècle d’une nouvelle science, la thermodynamique, associée aux phénomènes irréversibles, faisant apparaître une dégradation de l’énergie. Un principe d’épuisement vient alors remplacer le principe de conservation qui était mis en avant lors de la première phase. Son symbole devient la chaleur, d’où l’idée d’une décadence thermodynamique de la notion de progrès : la lumière se dégrade en agitation thermique.
Or, croire au progrès implique en toute logique qu’on lui applique l’idée qu’il incarne. Mais alors, grâce à quel nouveau symbole pourrions-nous faire progresser l’idée de progrès ? Sa belle anagramme devrait suffire à nous motiver : le degré d’espoir ».

Nous avons également diffusé la vidéo de son intervention à l’école Centrale sur le même sujet « Innovation et progrès »

« Le point sur les actions de Princeps »

« Le dépistage organisé des cancers du sein »

Dr. Alain SIARY

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Retrouvez la rencontre organisée par Princeps le 12 janvier 2016 sur le dépistage organisé des cancers du sein : Ici.

« Les Médicaments Essentiels »

Pr. Michel THOMAS

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« Antibiorésistance »

Dr. Michel DORÉ

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Retrouver l’atelier « Antibiorésistance » du colloque 2016 : Ici.

« Prix, coût et valeur des médicaments »

Dr. Jean-Claude SALOMON

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Retrouver sur la chaîne « surmedicalisation » les vidéos de la matinée de la rencontre organisée par Princeps sur « Le prix, le coût et la valeur des médicaments » le 14 octobre 2016 : Ici.

 

« Traitements de fond de la polyarthrite

rhumatoïde »

 

Dr. François PESTY

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