Atelier N° 5 – Colloque 2014

Atelier N° 5

Etude critique du dépistage des maladies chroniques : la manipulation des normes

 

Modérateurs : Alain Siary et Maïlys Michot-Casbas

Sommaire de l’atelier N°5 

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 Alain Siary – « Présentation de l’atelier »

Pierre Gallois – « Normes, risques et maladies : attention aux dérapages et au risque de médicalisation de la société »

Christophe de Brouwer – « Sur/sous-diagnostics et Médecine du travail »

Véronique Guienne – «  Déroger au standard médical en néphrologie »

Matthieu Yver – « L’anatomie pathologique : dans les coulisses de la manipulation du diagnostic médical »

 

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Alain Siary : « Présentation de l’atelier »

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Pierre Gallois : « Normes, risques et maladies : Attention aux dérapages et au risque de médicalisation de la société »

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Christophe de Brouwer : « Sur/sous-diagnostics et Médecine du travail »

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Véronique Guienne : « Déroger au standard médical en néphrologie »

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Matthieu Yver : « L’anatomie pathologique : dans les coulisses de la manipulation du diagnostic médical »

1. L’anatomie pathologique, une spécialité méconnue.

Qui fait le diagnostic du cancer ? Vous avez peu de chance de le connaître : c’est le médecin anatomo-pathologiste dit couramment « anapath ». Quand une masse suspecte est repérée le médecin effectue une biopsie. Il prend avec un bistouri ou une aiguille une partie de la masse et l’adresse au « grand prêtre » de la tumeur, l’anatomo pathologiste. Ce médecin, peu connu va regarder la biopsie au microscope et dire si c’est bénin ou malin. Ensuite le chirurgien, le médecin ou le radiologue va annoncer le cancer au patient et en tirer toute la « gloire ». Le patient ignore en effet totalement le nom du pathologiste qui lui, a posé le diagnostic de cancer et en est totalement responsable devant les tribunaux [10 plaintes /an en France(1)]. L’anatomie pathologique est l’une des plus petites spécialités médicales : 1500 médecins sur 200 000, en France (2). C’est un tout petit monde, très divisé, sans aucune force politique, qui a du mal à faire entendre sa voix face aux autres spécialités plus puissantes, plus nombreuses et largement soutenues par l’industrie (car prescriptrices de médicaments). Le pathologiste appelé familièrement « anapath » ne voit en effet jamais le patient et ne prescrit donc aucun médicament. Il rend des comptes uniquement aux médecins. Selon le ministère de la santé son « service médical rendu est très élevé au regard de son faible coût » et elle « n’a pas bénéficié d’un fort investissement des tutelles ces dernières années » (3).

2. Surdiagnostic / Surtraitement

L’immuno-histochimie, apparue dans les années 80 fut d’une grande aide mais les anapath, sollicités par des campagnes de marketing agressives en ont abusé. Ainsi la protéine P16 est un anticorps, dont la campagne a été qualifiée d’ « agressive » (4) par des journaux professionnels scientifiques anglophones. Cet abus d’anticorps n’est pas anodin. La P16 pour certains ne sert à rien, ou au pire ne doit être, utilisé que lorsqu’on doute entre le caractère « normal » ou dysplasique d’une biopsie du col utérin (4). Or dans la pratique il est souvent utilisé pour grader la dysplasie, ce qui induit vraisemblablement des surdiagnostics de dysplasie de haut grade. Un diagnostic de dysplasie de haut grade n’est pas anodin car il implique comme traitement une exérèse du col utérin (conisation), ce qui ne facilite pas les accouchements ultérieurs (5). Selon un article(6), 17% des conisations sont normales, donc injustifiées. Autrement dit, le prix du dépistage par frottis du cancer du col c’est que 1 femme sur 5 s’est fait enlever son col pour rien et a donc plus de chance d’avoir un enfant prématuré (5).

3. Propositions

De loin, la médecine et l’anapath semblent pris de folie, dans un cycle inflationniste rapide avec surtraitement et surdiagnostic. Mais cela suit une logique radicale et inhumaine, celle du gain : la rotation de plus en plus rapide de l’argent. Comme le montrait Baudrillard dans « la société de consommation » en 1970, le corps est devenu une marchandise et la médecine du business. Or la bonne santé de la population, ce n’est pas une médecine high tech, c’est d’abord du social : une bonne rémunération, une bonne hygiène, un bon logement, un environnement sans pollution, et des maisons de santé associatives plus que des hôpitaux / cliniques bourrés de gadgets et d’hyperspécialistes coûteux. L’épidémiologiste anglais Wilkinson, Professeur émérite au London College University montre que l’espérance de vie de la population, la criminalité, le bien être, dépend du niveau d’égalité de revenus entre les gens, les sociétés les plus égalitaires (japon, canada, suède) étant les plus heureuses, les plus stables économiquement avec moins de crimes que les sociétés les plus inégalitaires (USA) (7). Les corrélations statistiques sont hautes et selon the economist difficilement réfutables. Or dans le monde et en France les inégalités s’aggravent, les pauvres devenant plus pauvre et les riches, plus riches. Les problèmes de santé ne seront pas résolus par des mesures techniques purement médicales. Si l’on veut une population en bonne santé il faut une société plus égale, donc des mesures sociales et vraisemblablement renoncer à l’économie de marché. Le néolibéralisme défend les intérêts des multinationales, pas celui des patients et accentue les inégalités. La régulation et règlementation de l’économie, de solides lois anti-trust permettraient indirectement d’avoir des multinationales moins grosses, moins agressives et une médecine un peu moins sous influence.

(1) http://www.risque-medical.fr/responsabilite-civile/anatomopathologie-6
(2) Répertoire ADELI 2011
(3) Ministère de la santé ; rapport anatomie et cytologie pathologique 2012, p7-8.
http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Anatomie_cytologie_pathologiques.pdf
-pathology case reviews, 2010;15:138
(4) Review : detection and classification of cervical neoplasia in the era of HPV.
Sabath, Annette Peck; Kiviat, Nancy B.
http://journals.lww.com/pathologycasereviews/toc/2010/07000
(5) Lancet. 2006 Feb 11;367(9509):489- .
Obstetric outcomes after conservative treatment for intraepithelial or early invasive cervical lesions: systematic review and meta-analysis. Kyrgiou M, Koliopoulos G, Martin-Hirsch P, Arbyn M, Prendiville W, Paraskevaidis E.
(6) Am J Clin Pathol. 2013 Apr;139(4):422-7. Examination of sources of diagnostic error leading to cervical cone biopsies with no evidence of dysplasia.Carrigg A1, Teschendorf C, Amaro D, Weidner N, Tipps A, Shabaik A, Peterson MR, Lin GY, Hasteh F.
1 Dept of Pathology, UC San Diego Health System, 200 W Arbor Dr, MC8720, San Diego, CA 92103-8720
(7) Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous, Kate Pickett, Richard Wilkinson
ISBN 978-2-36383-101-9, Date de parution : 10 octobre 2013, 512 pages

 

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